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Clément Cabanettes. Du Rouergue à la pampa, portrait d'un aventurier [2]

Les chroniques. Dans notre édition du 7 décembre dernier, nous avons laissé Clément Cabanettes à Buenos Aires en 1881. Il vient d'installer la première ligne téléphonique de la capitale, et sera considéré par la suite comme le fondateur des télécommunications argentines. Les éléments sont en place pour la suite de l'aventure de celui qui va devenir “Don Clemente”, fondateur de la seule colonie française d'Amérique du Sud. Une colonie rouergate.

Clément Cabanettes. Du Rouergue à la pampa, portrait d'un aventurier [2]

À lire aussi : Clément Cabanettes, portrait d'un aventurier [Partie 1]

En 1882, Clément Cabanettes reçoit la visite de François Issaly, un autre Aveyronnais expatrié en Argentine depuis 1880 : ce sont les frères Guizard, d'Espalion, eux-mêmes installés à Buenos Aires, qui lui ont conseillé de rencontrer le directeur du Pan Telefono. Sur les bords du Rio de la Plata comme sur ceux de la Seine, les Rouergats pratiquent l'entraide : Auguste Guizard travaille déjà pour Clément Cabanettes, et ce dernier embauche également Issaly, qui deviendra l'une des chevilles ouvrières de la future colonie.

Parallèlement, Cabanettes s'occupe d'une affaire de location-vente de batteuses à Olavarria, à quelques centaines de kilomètres au Sud de Buenos Aires, ce qui lui permet de visiter les terres de la pampa nouvellement conquises sur les Indiens, et ouvertes à la colonisation.

En 1883, Clément Cabanettes, certainement à l'étroit dans son bureau porteño*, mûrit depuis quelques temps ce qui sera l'œuvre de sa vie : la fondation d'une colonie agricole rouergate. Il a déjà prospecté plusieurs zones quand il quitte, en compagnie de Guizard et d'Issaly, le Pan Telefono, devenu Unión Telefónica après la fusion avec une société anglaise.

François Issaly, bras droit de Cabanettes

De son côté, François Issaly, qui a travaillé dans plusieurs colonies au nord de Buenos Aires, a pour projet de retourner à Poudans, commune de Saint-Félix de Lunel, canton de Conques, d'où il est originaire, afin d'entraîner sa famille vers «les terres riches de l'hospitalière Argentine». Clément Cabanettes, qui a longuement évoqué avec Issaly ses nouveaux projets, lui confie dès lors une mission de confiance : recruter des colons en Aveyron.

François Issaly quitte l'Argentine en mai 1883, et Clément Cabanettes lui fait parvenir les premiers prospectus et modèles de contrats évoquant les conditions proposées aux candidats à l'émigration. Elles sont particulièrement avantageuses, faisant dire au gouverneur de la province, du propre aveu de Cabanettes dans une lettre à Issaly, «vous êtes un imbécile de leur faire la part si belle». Le fondateur s'engageait à fournir habitations, outillage et cheptel à un tarif préférentiel remboursable ultérieurement ; quant au paiement des concessions, il se ferait en donnant à Cabanettes la moitié des récoltes pendant 6 ans, et en lui laissant une commission de 3% sur la vente du restant, pour lequel il met gratuitement à disposition des hangars durant deux ans. Enfin, une somme de 3.000 francs serait déposée en garantie par les postulants.

Changement de destination

Après des débuts difficiles, mais faisant preuve de ténacité dans sa mission, Issaly fait publier à ses frais des avis payants dans les journaux aveyronnais et, à partir d'octobre 1883, la campagne porte ses fruits, et il peut compter sur un certain nombre de volontaires.

De son côté, Clément Cabanettes, qui avait d'abord jeté son dévolu sur une concession de la région de Puan, à l'ouest de la future Pigüé, doit changer son fusil d'épaule suite à un revirement du gouvernement, qui attribue les terres à des indiens. Il rencontre alors Eduardo Casey, un criollo (créole) d'origine irlandaise, qui a acheté en 1881 une vaste concession de 300.000 hectares au colonel Plaza-Montero.

Cabanettes, qui avait alors exploré cette région de la sierra Cura Malal, la décrira de la manière suivante à l'occasion des 25 ans de la colonie, en 1909 : «Nous nous dirigeames vers ces régions inconnues à travers d'immenses étendues de terres incultes et inhabitées ; (...) je fus vraiment émerveillé des beautés de cette région (...) ; l'immense plaine verte luxuriante et belle se prolongeait jusqu'au sommet des hautes montagnes dont les flancs et les cimes, rompant la monotonie de l'ensemble, étaient et sont toujours l'unes des particularités de cette région».

C'est donc aux abords de la Cura Malal, au lieu-dit Pigüé, que Clément Cabanettes arrêtera finalement son choix pour implanter la colonie. Cet emplacement, situé à un peu plus de 300 m d'altitude, est dominé par les sommets de la sierra, qui culminent à plus de 1.000 m, brisant la monotonie de l'immense plaine pampéenne, conférant à la future colonie son charme particulier.

Fin 1883, Cabanettes informe Issaly de la nouvelle localisation des terres à coloniser, qui font l'objet d'un contrat avec Casey début 1884. Alors que François Issaly enregistre de plus en plus de demandes, il presse Cabanettes de le rejoindre en France. En mars 1884, ce dernier, qui a procédé à d'ultimes arpentages et achat de matériel, annonce son arrivée prochaine en Aveyron.

À suivre : Épisode 3, de l'aventurier au meneur d'hommes

XP

* Porteño : adjectif pour ce qui se rapporte à Buenos Aires.

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