Cépages Modestes
L’association valorisant des cépages anciens a organisé à Saint Côme d’Olt la 13e édition de ses rencontres les 9 et 10 novembre. Des invités d’honneur comme le microbiologiste Marc-André Selosse ou encore les figures phares du vignoble du Sud-Ouest, les Plageoles, ont animé des conférences sur l’histoire de ces cépages et leurs intérêts. Une table ronde sur l’avenir des cépages modestes, des témoignages d’experts et de vignerons, suivis de dégustations ont permis de valoriser cet héritage ampélographique.
Dès le samedi matin, Marc-André Selosse, microbiologiste et professeur au Museum d’Histoire naturelle à Paris a abordé un sujet d’avenir : “Les cépages, entre permanence et renouvellement”. Marc-André Selosse rappelle l’histoire de cette vigne qui fascine l’Homme depuis plus de 8.000 ans, et qui commence avec une liane sauvage qui vit en zones humides avec un objectif unique : grimper. L’homme l’a domestiquée pour en faire un buisson de sol sec.
6 à 10.000 cépages existent dans le monde mais seulement 12 couvrent un tiers de la superficie viticole mondiale et 33 cépages en couvrent 50%. «Nous assistons à une véritable perte de diversité variétale, allant jusqu’à 93% en 80 ans aux Etats-Unis par exemple» explique le spécialiste. D’où l’intérêt des associations comme celle-ci pour ne pas oublier les diversités variétales et assurer notre héritage ampélographique.
La table ronde qui a suivi a permis d’échanger les retours d’expériences sur l’avenir de ces cépages de quelques vignerons venus des quatre coins de France. Ils ont partagé l’intérêt de valoriser les cépages anciens pour faire face aux défis qu’ils rencontrent au quotidien dans leurs vignes, les anciens cépages ayant des sensibilités différentes offrant souvent une meilleure adaptation.
À Bordeaux, Jean-Baptiste Duquesne du château Cazebonne a réintroduit le cépage Carménère qui a failli disparaitre du vignoble, très sensible aux conditions climatiques pendant la floraison. Pourtant, il peut produire aussi de l’excellence , preuve en est au Chili avec des conditions climatiques optimales et où ce cépage donne le meilleur de lui-même.
«Notre travail au conservatoire est notamment d’identifier les individus aux fortes sensibilités», explique l’ingénieur de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFVV), Taran Limousin, qui a présenté l’histoire du Courbu noir. La résistance aux stress climatiques (sécheresse, chaleur, gel) peut être solutionnée par la plantation de cépages modestes, adaptés à des conditions spécifiques.
Leurs particularités comme la résistance à la sécheresse tels le cinsault et le bourboulenc dans le Languedoc ont fait leur preuve. Les recherches continuent pour observer leurs adaptations. Les gels tardifs du printemps après le débourrement posent chaque année de plus en plus problème et là encore les cépages modestes peuvent être la solution, par leur débourrement tardif et par la production de bourgeons secondaires.
La tendance des nouvelles générations à consommer des boissons faibles en alcool, voire sans, est un autre défi. Là aussi, les cépages peu connus du consommateur affichent souvent un taux d’alcoolisation entre 10 et 11% comme l’a fait déguster le domaine Daumas en Languedoc avec le cépage aramon, aux vins frais, fruités et équilibrés, bref des vins de soif. Avec des pratiques culturales adaptées, comme l’agroécologie présentée par Alain Canet, pour assurer la vie du sol et sa biodiversité, le vignoble peut relever ces défis d’avenir.
Les vignerons du Sud-Ouest, Robert et Bernard Plageoles, avec Alice David, du château de Terride (Puycelsi) ont rappelé l’importance d’observer l’environnement pour assurer la transmission de notre patrimoine. Au cœur de la région Sud-Ouest, Robert Plageoles partage ses enseignements autour du Mauzac, le cépage dit ‘arc en ciel’ aux 7 couleurs : «Avec mon père, on avait planté un cépage rouge qu’on ne connaissait pas bien, le mauzac rouge. Il offre un taux alcoolique faible et garde sa fraicheur. Aussi, on a fait des essais avec du mauzac rose. Nous avons créé une pépinière de mauzac sur le domaine pour conserver la diversité et la richesse que peut apporter ce cépage, qu’il soit rose, roux, noir ou jaune...»
Dans le cadre du programme CepHistoire, Jeanne Galinié-Yerre, historienne des cépages oubliés a présenté un sujet inédit : le plus ancien projet de catalogue des cépages. Ce répertoire devrait atteindre 30.000 références qui seront ensuite retranscrites sur un site internet pour faciliter la transmission de cet atlas historique des cépages.
Le dimanche a été clôturé avec un invité étranger, le vignoble suisse du Lavaux, en présence de Blaise Duboux, de Vincent Chollet (Secrétaire général de la Fédération vigneronne vaudoise section de Lavaux), et de Vincent Bailly (Directeur de l’association Lavaux patrimoine mondial). Le Lavaux est le premier vignoble classé à l’Unesco, offrant un paysage de 3 vallons, avec une composante majeure et naturelle : des pentes et près de 10.000 terrasses. Les participants ont pu déguster des cuvées de chasselas du Lavaux suisse plantés sur des terroirs différents et découvrir le Plant Robert.
C’est également durant ce rendez-vous annuel que l’association fondée par Philippe Meyer renouvelle son bureau, qui se compose de la manière suivante : Jean Rosen, président, Marc-André Selosse, vice-président, Laurent Moreau, secrétaire et Jean-Marc Aumeras, trésorier.
Rendez-vous en 2025 !
Audrey Delbarre et XP
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