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Portrait. Portrait. Dominique Chatelain : un vitrailliste illuminé par la foi

Pays de Saint-Geniez.

Sur le tombeau de l’apôtre à Santiago, Dominique Chatelain trouve sa voie. Devenir verrier. Après son école, il s’installe dans l’ancien couvent de l’Union à Pomayrols en 1999. Cet artiste inscrit son histoire dans le verre teinté par l’influence de la chrétienté et de l’Église catholique.

Portrait. <strong>Portrait</strong>. Dominique Chatelain : un vitrailliste illuminé par la foi
Cette esquisse s’appelle une maquette. Elle doit comporter la coloration des verres, la forme des pièces et surtout le tracé des plombs. Tout doit être dépeint «car le verre ne souffre aucun repenti».

“Arrête ! Le cœur de Jésus est là”. Un avertissement qui résonne dans le silence des rues de Pomayrols. Ce mardi 21 juin, pas une seule âme dans ce village de 126 habitants en Aveyron. Sur le crépi gris, un écriteau, “Honneur à notre élue”. La République et la foi. Un curieux mélange. Rien ne laisse présager d’un atelier de verrerie dans cette maison. Seul le linteau de la porte, constitué de cinq vitraux, livre un indice sur la nature du résidant.

La passion des fleurs


L’homme de 58 ans assemble les couleurs au premier étage. Une statue de la Vierge Marie veille sur les multiples carrés de verres aux teintes primaires posés sur un présentoir devant la fenêtre. «Je peux faire le plus beau vitrail du monde si je nai pas de lumière, il sera terne et médiocre», explique le maître à la barbe blanche et aux verres cerclés d’une fine monture noire. À peine, une question posée, l’artiste disserte. Il se balade de digressions en souvenirs passant par l’Égypte antique, les Celtes et les moines irlandais du VIIIe siècle. «Il parle beaucoup, car il est souvent seul», confie Anne-Dominique, son épouse. Posé dans un recoin de la pièce, deux vitraux de sa série du Zodiaque. Sur le vitrail, côtoyant la Justice, le créateur effleure des marguerites. Elles symbolisent l’innocence.

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Ses doigts noirs, striés de petites crevasses, sont le témoignage d’une première passion. Vers ses 17 ans, Dominique retourne dans le Tessin pour vivre chez sa tante et passer un CAP d’horticulture. «Il fallait obtenir un diplôme et avoir un vrai travail». Une appétence qu’il garde toujours intacte avec l’entretien de son jardin et la présence récurrente de végétaux dans ses vitraux. Un ensemble complexe de symboles et de saynètes. L’une d’elles représente un bâtiment perché devant des montagnes Alpines. L’accent helvétique de Dominique, un mélange des résonances des cantons de Vaux et du Tessin renseigne sur l’emplacement de cette église. La basilique de Valère à Sion. Le début de sa vie maritale et de sa carrière de vitrailliste. Mais aussi la rencontre avec le père Nicolas de Preux, ses paroles sont à l’origine de sa reconversion dans la foi catholique.

Cathédrale Sainte-Marie de Burgos

Toujours dans le Valais, Dominique passe de l’horticulture à l’ébénisterie. Des amis souhaitent intégrer des vitraux dans une armoire. Ils confient cette opération à Dominique. Mais, il faut redimensionner le vitrage. C’est dans ce contexte qu’il croise Ursi Fäh, une femme verrier qui travaille à Saillon. «Elle ma aidé. En contrepartie, jai refait lisolation de son atelier». Un premier pas dans le monde du vitrail. Or, le jeune homme est «trop boulimique». La céramique, le bois, les antiquités, l’agriculture… Il se perd. «J’ai remis ma vie en question. Que faire ? Quelle voie choisir ? J’ai senti le besoin de partir sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle».

Le pèlerin passe ses après-midi à dessiner les gargouilles et les églises. Lors d’une halte dans la cathédrale Sainte-Marie de Burgos, il entame un chant grégorien. La mélodie attire un vieux monsieur. Il restaure les vitraux. C’est une confirmation. Une réponse artistique et religieuse à ses doutes. L’affirmation d’une vocation qui sommeillait depuis l’enfance. Dominique rentre en Suisse avec l’objectif de devenir verrier. «C’est aussi sur le chemin que je suis tombé amoureux du symbolisme. J’ai compris que c’était un langage». Il étudie de 1994 à 1997 à l’école supérieure d’art et de création de Sion. Il y rencontre Pierre Louis, son maître, dont la présence trouve constamment le moyen de se glisser dans la conversation. Une figure de mentor, presque paternelle, qu’il mentionne toujours sous le nom de “Monsieur Louis”.

Une inspiration religieuse

Dans la deuxième salle, de nombreuses maquettes font face à la porte. En évidence, sa dernière réalisation. Le cadeau de départ pour l’évêque de Rodez, Monseigneur François Fonlup nommé archevêque d’Avignon. Dans le tableau, un oiseau. Le maître évoque avec tendresse les hirondelles qui prenaient vie sous le pinceau de sa mère. «C’était un moment magique». Sa première rencontre avec le dessin.

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Mais, «c’est Monsieur Louis qui m’a appris à esquisser». Dominique fait surtout de la création de vitraux. Sa muse ? La foi. «Lorsqu’il a fait la mandorle de Sainte-Foy, ce n’était pas une commande. Il a suivi ses impulsions. C’était une année jubilaire, soit une année sainte, on célébrait les 50 ans de la clôture du Concile Vatican II et la place de Miséricorde Divine. Ça l’a inspiré», détaille son épouse.

L’église d’Hsicheng à Taiwan

C’est en suivant ses envies, que Dominique passe par le village Pomayrols lors de son périple sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Quelques années plus tard, il retourne avec sa femme à Conques sur les traces de sa vocation. Les moines leur présentent les Sœurs de l’Union qui ont un couvent à vendre dans ledit village. Un concours de circonstances. Le choix est fait. En 1999, ils s’installent dans le village. Père de sept enfants. Il y fonde son atelier. Pas de pub, pas de réseaux sociaux juste du bouche-à-oreille. «Mes clients m’achètent des vitraux, car ils ont vu une de mes œuvres». Ermite sur les rives du Lot, Dominique travaille pour le monde entier. En 2007, alors que la famille est en pèlerinage à Paray-le-Monial, il reçoit une commande du Père Gabriel Délèze destiné à la pastorale et à l’embellissement de l’église d’Hsicheng à Taiwan. «Tous les thèmes représentés me sont proches. J’ai moi-même vécu plusieurs sacrements comme le mariage ou la réconciliation», se remémore le catholique. Parmi, les pièces, l’évangéliste Saint-Luc peignant la première icône de la Vierge Marie à l’enfant selon la tradition orthodoxe. Un choix sentimental. «Nous sommes tous les deux des dessinateurs».«Pendant un an, il sest documenté sur lAsie. Il souhaitait réaliser des images compréhensibles par les chrétiens taïwanais», relate Anne-Dominique.

Le symbolisme religieux est présent dans toutes les œuvres de Dominique par sa signature. L’artiste n’appose pas ses initiales, mais un idéogramme complexe structuré par sa foi. À son nom, il préfère un carré bordé d’entrelacs, résurgence celtique incarnant le monde invisible et un hommage à Saint-Bernard de Clairvaux, un transmetteur «d’art et de culture». Au-dessus, un bâton de pèlerin articule l’allégorie, c’est aussi «un moyen de mesure dans les cathédrales». Il est entouré par un reptile dressé qui représente le Christ.

Le clocher de l’église située en face de l’atelier sonne 13 heures. Sur l’un des vitraux, un cercle rouge tracé à main levée. Un savoir-faire d’exception. Le sceau d’un maître verrier.

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