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La vie des rivières. Les chaussées de moulins, patrimoine hydraulique en danger (13/21)

Les chroniques. Une chronique inédite de Jean-Pierre Henri Azéma, docteur en Géographie et consultant spécialiste du patrimoine industriel et des moulins, de l’histoire des rivières et de l’énergie. 

La vie des rivières. Les chaussées de moulins, patrimoine hydraulique en danger (13/21)
La Flèche (Sarthe). Moulin de la Bruère, sur le Loir en crue. Les «associations de gestion des poissons et de l’environnement» voudraient nous faire croire que les sédiments restent bloqués derrière les chaussées. Comment expliquent-t-ils qu’en crue

Inventaire des fonctions méconnues de l’ouvrage (1/6)


La chaussée, ouvrage de régulation du flux sédimentaire
Le mode constructif des chaussées est entièrement lié à la nature du lit de la rivière pour lui permettre de résister aux crues et d’en faciliter le passage. Les chaussées construites en oblique dans le lit mineur des rivières permettent, par leur longueur très supérieure à la largeur du lit mineur, d’évacuer de plus grands volumes d’eau. Le débit qui transite par la chaussée en est largement augmenté. La lame d’eau qui franchit l’ouvrage est significativement abaissée pour chaque mètre linéaire d’ouvrage, par rapport à une chaussée établie perpendiculairement à la berge.
En période de crue, chaque chaussée (et son remous) provoquent une rupture de pente qui à pour effet de casser la vitesse du flux de crue et d’en réduire considérablement la capacité destructrice. Lors des très grosses crues, l’augmentation de la vitesse et du volume d’eau transitant dans la zone du remous de la chaussée ne permet pas le dépôt sédimentaire. Au contraire, un énorme phénomène d’ablation se met en place. On assiste à un effet de succion massif des matériaux déposés dans le remous, amplifié par la chute générée par la chaussée. L’eau qui passe la chaussée provoque une nouvelle accélération de la vitesse du courant et une réduction de l’épaisseur de la lame d’eau. L’effet d’aspiration est considérable. La zone du remous d’une chaussée où se sont accumulés des centaines, voire des milliers de tonnes de sédiments pendant plusieurs décennies, peut être fortement vidangée de ceux-ci en l’espace de quelques heures ou jours. La chaussée joue donc un rôle précieux de régulateur de flux sédimentaires pour l’environnement. Ainsi, ils se déstockent et circulent sur des périodes plus ou moins longues, en fonction de la fréquence et de l’importance des crues.
Rappelons une évidence. Un cours d’eau en crue ne véhicule pas d’eau claire ! La couleur de l’eau, sa turbidité, est due à la charge sédimentaire qui caractérise ce moment exceptionnel. Cette observation des plus simples contredit de manière nette et définitive tous ceux qui accusent les chaussées «de fragmenter les rivières» et de «retenir les sables et sédiments», empêchant ceux-ci de renouveler le sable des plages que la mer leur arrache chaque année ! (Programme AMBER, Nature, 16/12/2020). Confondant les « barrages» et les « chaussées», sans jamais les avoir étudiées, K.-M. Wantzen est en faveur de la destruction des chaussées d’Europe (20 minutes 21/01/2021) [1].
Des chaussées pour lutter contre l’érosion.
Après les crues de 1840 et 1856, qui ont sinistré le bassin de la Loire, l’Etat français a lancé une politique de construction de chaussées dans les zones de montagne les plus sensibles à l’érosion. Ce fut la Restauration des Terrains de Montagne (RTM). Des centaines d’ouvrages ont été bâtis pour atténuer la violence des crues et fixer les sédiments sur place, dans les hauts bassins versants, des Alpes, du Massif Central (mont Aigoual) et des Pyrénées. Comme cela a été clairement mis en évidence avec les travaux de RTM, depuis plus de 180 ans, la multiplication du nombre de chaussées reste la seule solution pour abaisser très significativement l’énergie du flux et réduire la capacité érosive de l’eau. Ne crée-t-on pas un peu partout en France, à grand frais, de nombreux bassins temporaires pour écréter les crues ? En bref, ces constructions brisent la dynamique de l’érosion et des inondations, c’est la technique des barrages de castors. Alors pourquoi «casser les moulins» en démolissant leurs chaussées salvatrices ? Pourquoi céder aux caprices irraisonnés de certaines associations qui aboutissent à la destruction de nos rivières ? Un peu de cohérence dans l’action publique ferait beaucoup de bien. (à suivre).
[1] Titulaire de la «Chaire Fleuves et Culture» de l’Unesco, M. Wantzen se présente comme un spécialiste «en Renaturation de rivière».
Photo : La Flèche (Sarthe). Moulin de la Bruère, sur le Loir en crue. Les «associations de gestion des poissons et de l’environnement» voudraient nous faire croire que les sédiments restent bloqués derrière les chaussées. Comment expliquent-t-ils qu’en crue une rivière charrie toujours de l’eau trouble et colorée ? Il faut mettre un terme à la falsification scientifique. Photo JPH Azéma juin 2016

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