Evoquons aujourd’hui le souvenir d’une dame qui vécut une bonne partie de sa vie à Villeneuve-la-Rivière dans le Midi de la France. Elle appartient aux visages de mon enfance et s’appelait Cécile. Nous la surnommions Cilette.
La voici, portant foulard et vêtue de noir comme l’étaient nos grands-mères en deuil de leur propres vies dès l’âge de trente ans. Cilette vivait seule dans une petite maison d’ouvriers, non loin d’autres célibataires qui sentaient toujours un peu la sauvagine et la fumée, qui buvaient des canons de rouge dans des verres qu’ils ne rinçaient jamais.
On accédait chez elle par une porte basse qui donnait sur un cellier. À l’étage une seule fenêtre, une petite cuisine et une chambre borgne avec un crucifix où était toujours coincée une branche de laurier.
Pour éteindre le gaz et quand elle ne trouvait pas le bon bouton, je me souviens, elle soufflait parfois sur la flamme au risque de faire péter tout le quartier.
Pour la charcuterie, le tiroir de la cuisine suffisait. Pour faire rire les enfants, elle riait d’abord en nous montrant sa dernière dent.
Pour se rendre au jardin qui était situé à la sortie du village, elle marchait au milieu de la route. Et l’autobus attendait que la vieille dame emprunte enfin le petit chemin pour pouvoir avancer.
Et puis, il y avait son jardin, la casserole pour puiser l’eau dans le ruisseau, les vieux poiriers, les iris, l’ombre grise des roseaux.
Cilette est loin désormais. L’absence ne remplace rien. Là bas, ce sont les ombres qui ont changé.
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