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Série mythes et légendes. Prenez-garde aux Trèvas, les revenants aveyronnais

Les chroniques. Série mythes et légendes

Série mythes et légendes. Prenez-garde aux Trèvas, les revenants aveyronnais

La nuit est tombée depuis longtemps. Dans la maison, pas un bruit. Seuls les crépitements de l’âtre et les ondulations des flammes animent les murs. Les membres de la famille sont rassemblés autour du feu. Tranquillement, leurs paupières se ferment. Le sommeil les guette. Soudain, un grincement sourd se fait entendre au grenier. Le cœur du grand-père manque un battement. Les gémissements du parquet s’accentuent. Au-dessus de leurs têtes, des bruits de pas se bousculent. Il regarde rapidement autour de lui. Ce n’est pas le chat ou un quelconque animal, ils sont tous regroupés près du foyer. Une goutte de sueur perle sur le front du patriarche. Il se retourne en direction de son épouse. «Appelle tout de suite le curé, nous avons des trèvas dans le grenier».

Les revenants qui hantent le Rouergue

Les trèvas sont un élément important du folklore aveyronnais. Leur nom provient de l’occitan et signifie traîner ou flâner. Assimilés à des revenants ou à l’esprit des morts, l’Institut occitan de l’Aveyron en donne cette définition : «Les trèvas sont des revenants qui se manifestent de diverses manières afin de contraindre les héritiers à faire dire des messes pour le repos de l’âme d’un défunt». À l’époque, tout phénomène jugé étrange était imputé à ces âmes errantes venues hanter les murs d’une maison.

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Souvent, cela se traduisait par des bruits dans le grenier, sur les toitures ou des tas de pierres qui tombaient dans les cheminées. Ces manifestations se passaient toujours la nuit ou le soir. D’après les témoignages récoltés — fruit d’une transmission orale sur plusieurs générations — rares sont les personnes ayant rencontré ces fantômes, la plupart du temps, ils les entendaient. Il est donc difficile d’en avoir une description, mais l’imaginaire populaire s’accorde sur une chose. Les trèvas portaient un grand vêtement blanc aux allures spectrales. Mais cette forme n’est pas absolue. Marie Gal, habitante du Lévézou, se rappelait que ses grands-oncles avaient «remarqué des feux follets et ils avaient pensé que c’étaient des revenants qui faisait ça».

Une messe pour chasser les esprits

Mais alors, que faire pour lutter contre ces esprits ? Tout simplement faire dire une messe pour le repos de leurs âmes ou bénir la maison. La tradition orale rapporte que les croix implantées dans les campagnes ou la sonnerie de l’Angélus chassaient les trèvas. Ce fut le cas pour l’oncle de Marie Gal qui fit ériger une croix et les feux follets disparurent. D’autres creusaient des courges et y plaçaient des chandelles pour écarter ces spectres.

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Certains membres du clergé profitaient des trèvas pour rappeler à leurs ouailles leur impiété. «Ils allaient se plaindre au curé, mais le curé leur disait : “Si c’est vrai, c’est que vous ne priez pas assez”», témoignait Aimé Limagne, habitant d’Alcorn. Or, les religieux étaient parfois accusés d’alimenter cette peur des revenants. Léon Servières, d’Espeyrac, se remémorait un récit où les moines de Conques faisaient beaucoup de processions pour éloigner les trèvas. Un jour, un paroissien plus courageux que les autres partit chasser ce spectre. «Il lui donna un coup de fusil et c’était un moine de Conques. Il tua le moine et ce fut fini. Il n’y eut plus de revenants».

Se déguiser en trèvas

Mais les religieux ne sont pas les seuls à se déguiser en revenants. C’était l’activité favorite de certains villageois. «Bien sûr que je connais les trèves. Mes oncles lorsqu’ils étaient jeunes s’habillaient avec un grand drap blanc et allaient dans les ruines du château de Bertholène pour s’amuser a effrayer les passants», se souvient une habitante de Laguiole. Il y a de nombreux témoignages sur ces fausses trèvas qui déambulaient dans les rues ou les cimetières sous des draps comme des fantômes.

Mais souvent, la supercherie était rapidement démasquée et pouvait se révéler fatale pour le plaisantin. Une des histoires les plus connues — récoltées par l’Institut occitan — est le récit d’un jeune domestique simplet, parti à la cave pour chercher du vin. Les autres serviteurs voulurent lui faire peur et se déguisèrent en trèvas. Or le domestique remonta avec son vin sans avoir émis un seul cri de terreur. Il avait assommé le revenant. Mais le coup fut tellement violent qu’il tua le farceur.

Les trèvas étaient aussi utilisés par les parents pour assagir les enfants comme le rapportait Raymonde Ayfre, de Palmas. «Dans le temps, nos parents nous faisaient peur afin que nous restions tranquilles. Ils nous parlaient des trèvas, raconte-t-elle, ma mère nous disait : “Taisez-vous ou je vous mets à la cave avec les trèvas”».

En moins d’un siècle, les trèvas ont disparu du quotidien des Aveyronnais. Aujourd’hui, rares sont les mentions de ces revenants aux formes spectracles qui s’amusaient à effrayer les Rouergats dans leurs demeures. Alors, un soir, si vous entendez dans votre grenier des bruits de pas ou des pierres chuter dans votre cheminée, prenez-garde, l’âme d’un défunt attend peut-être le repos éternel.

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