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Un jour, à Espalion…. Histoire : Hilarian : le saint introuvable ! [1/12]

Histoire. À propos du mystérieux patron d'Espalion, Hilarian, notre archiviste anonyme propose en une douzaine d'épisodes signés Jean Ignare une recherche sur le saint introuvable, mais connu de tous.

Un jour, à Espalion…. Histoire : Hilarian : le saint introuvable ! [1/12]

L’histoire de la vie d’Hilarian ils l’ont racontée, ils l’ont écrite, mais ils n’ont rien prouvé… 
Dans l’après-midi du mardi 8 mai 1883, dans le bureau des postes et des télégraphes du quartier de la Barrière, avenue de Laguiole, le télégraphe crépite mais aucun client n’y prête attention. Le télégramme provient de Rome et comporte un seul mot latin qu’on peut traduire par : «Nous avons réussi !» Qui a envoyé ce télégramme à Espalion ? L’abbé Marty ? C’est le chapelain de Saint-Louis des Français à Rome. Un seul mot ! A-t-il convenu d’un code ? Le destinataire n’est autre que le curé d’Espalion Louis Brévier.

Un télégramme provenant de Rome, un mot latin, il y a urgence. Le télégraphiste (est-ce le receveur en personne ?) presse le pas, traverse le Lot par le Pont-Vieux et parcourt la rue qui longe le quai ; au passage il admire le Pont-Neuf. Il aperçoit la nouvelle église qui sera consacrée en octobre prochain et pense qu’il serait déjà au presbytère si les bureaux de la poste étaient situés sur le boulevard, comme en 1881 avant l’incendie ou lors de leur installation provisoire dans une des salles du tribunal, avant de s’exiler à la Barrière. 

En cette fin de siècle, de nouvelles constructions apparaissent au cœur de ce bourg de 4.300 âmes. Que deviendra alors l’ancienne église St-Jean-Baptiste ?
L’abbé Louis Brévier reçoit la dépêche télégraphique. Un large sourire illumine son visage bien rond, il retire ses lunettes pour les essuyer, l’émotion le gagne...

En 1872, Louis Brévier avait pris possession de la paroisse d’Espalion, et très vite il eut deux ambitions : la construction d’une nouvelle église — en cette année 1883, l’édifice s’achève — et la restauration du culte de saint Hilarian. Ce télégramme exauce son vœu.

Le 8 mai 1883, le pape Léon XIII n’a pas encore ratifié et confirmé le rescrit (bulle papale qui porte décision de quelque point de droit). A Espalion, on l’ignore mais qu’importe… après 25 années de recherches et de procédures !

Le 9 mai 1883, au matin, la nouvelle est annoncée en ville, les cloches sonnent à toute volée, mêlées à des salves d’artillerie. Le dimanche 13 mai, l’événement est fêté avec une illumination générale de la ville.
Pourquoi un tel intérêt pour cet épisode mineur ? J’ai imaginé la scène mais cet événement a bien été vécu…

Pour conter la vie d’Hilarian, il faut parler de tradition ou de légende. Au fil des ans, les conteurs ou les conteuses ont mis tout leur talent et leur foi à transmettre aux veillées l’histoire d’Hilarian qui a bercé les petits et passionné les aînés. Jusqu’au XIXe siècle, la vie d’Hilarian a été contée oralement, d’où des récits diversifiés et des invraisemblances.

Dans les écrits concernant ce personnage, on peut noter également de nombreuses différences et invraisemblances, certains auteurs prenant des faits avérés de l’histoire de France pour les intégrer sans aucun fondement à des événements concernant la vie d’Hilarian. Au cours des siècles, une vingtaine d’auteurs évoqueront ce saint.

En 1883, l’abbé Louis Servières note, lors du procès canonique qui concerne le culte immémorial de saint Hilarian, cette réflexion du cardinal Pitra «Pour sauver le monde, il faut frapper à grands coups ces masses simples et grossières, illettrées et passionnées…»

Au XIe siècle, la légende de saint Hilarian aurait été portée aux oreilles des pèlerins par les moines de Conques…
Henri Affre relate qu’en 1435 le nom d’Hilarian est mentionné pour la première fois dans les archives communales. Un document de ces mêmes archives, daté de 1451, parle de la coutume de célébrer la fête de Saint-Hilarian le 15 juin.

En 1850, Henri Affre espère que ses recherches lui permettront de trouver des dates plus anciennes. Il ignore à cette époque le contenu du cartulaire de Conques que Gustave Desjardins publie en 1879. Les paroissiens espalionnais ne se soucient pas depuis combien d’années ils vénèrent ce saint ! De même qu’en 1858, ils ne se posent aucune question concernant les Ansute, Dalmas, Déothaire, Grat, Mundéric et bien d’autres saints des paroisses aveyronnaises. Ces saints sont vénérés, et le peuple n’en demande pas plus.

Ce bon peuple ignore qu’en 1568, le pape Pie V a aboli les bréviaires particuliers et prescrit le bréviaire romain. Le bréviaire est un livre de prières que les ecclésiastiques doivent lire ou réciter à certaines heures de la journée. De plus, le pape interdit d’ajouter le nom d’un saint au calendrier romain, sauf si le Saint Siège en donne l’autorisation. Jusqu’au XIIe siècle, les évêques imposaient souvent le culte d’un saint dans leur diocèse, sans en référer au Vatican. Ensuite le pape décidait qui devait être canonisé ou pas.

Au Premier siècle, la canonisation est une simple érection d’un autel sur la sépulture d’un martyr. En 993, à Rome, lors d’un concile, le pape Jean XV béatifie Udalric, c’est le premier acte de canonisation connu. En 1153, l’évêque de Rouen est le dernier prélat à béatifier un saint.

En Rouergue, quel évêque aurait béatifié Hilarian ? De l’An 670 à l’An 838, pendant 168 ans, aucun évêque ne réside dans le diocèse de Rodez. Puis vers 838, l’évêque Farold, puis l’évêque Ramnolenus de 848 à 861 séjournent à Rodez. Hilarian aurait été assassiné en 793…

Au XIe siècle, si on prend en compte la légende de Conques, l’évêque de cette époque l’aurait béatifié… Dans les archives du diocèse de Rodez, aucun document ne témoigne d’un tel acte ! Et pourtant, au XVIe siècle, François d’Estaing porte grand intérêt aux archives de l’évêché. Louis Servières le reconnaît : «Nous n’avons, il est vrai, au sujet de ce culte, aucun document qui remonte au-delà du XIe siècle.» François d’Estaing mettra pourtant Hilarian en pleine lumière.

En 1623, le pape Urbain VIII décrète un culte immémorial de 100 ans sans interruption pour qu’un saint ou une sainte entre dans le calendrier romain, la bulle de confirmation date de 1634.

Le culte de saint Hilarian fut-il ininterrompu selon les critères du pape Urbain VIII ? Il semble que oui. Toutefois peut-on prouver que depuis l’année 1534, ce culte fut ininterrompu.

Jusqu’à 1858, on avait négligé de soumettre la liste des saints du diocèse à l’approbation du Vatican. Cette année-là, l’évêque Louis Delalle soumet le Propre de Rodez à l’approbation de la Congrégation des Rites à Rome. Le Propre mentionne les saints ou les saintes que l’on fête dans l’année dans chaque paroisse du diocèse. On peut penser que l’évêché ne mentionne que des saints ou des saintes que l’on fête dans les paroisses à cette époque selon les critères de la bulle de l’année 1634.

Le consciencieux évêque Louis Delalle ne se doutait pas des conséquences de son acte de régularisation administrative...

Jean Ignare

À suivre…

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