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Histoire. Les dérives des insurgés royalistes dans l'Espalionnais épisode I

Histoire.

Histoire. Les dérives des insurgés royalistes dans l'Espalionnais épisode I
Les chauffeurs.

Si les débuts de la Révolution semblèrent être plutôt bien accueillis par la population française dans son ensemble, des mesures impopulaires, telle la Constitution civile du clergé, ou encore la conscription nécessitée par le contexte militaire difficile au commencement de l'année 1793, ne manquèrent pas d'entraîner un courant contre-révolutionnaire dans plusieurs régions de France. Ce fut notamment le cas dans notre département où nombre d'Aveyronnais soutinrent les prêtres réfractaires, ces curés qui refusèrent de prêter le serment de fidélité à la Constitution. Et puis, il y eut l'exécution du roi Louis XVI, guillotiné le 21 janvier 1793, qui mit véritablement le feu aux poudres au sein de la communauté royaliste.

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L’Armée chrétienne de Charrier

Ainsi, un notaire royal de Nasbinals (commune de la Lozère proche du département de l'Aveyron), du nom de Marc-Antoine Charrier, va prendre la tête d'une rébellion, poussé — il est vrai — par un prêtre réfractaire particulièrement virulent : l'abbé Claude Allier, curé de Chambonas. Nommé général de l'armée chrétienne du Midi, Charrier se charge, dans un premier temps, de recruter des hommes (pour la plupart des paysans) dans des villages de l'Aubrac et du Gévaudan. En Aveyron, c'est la région de Castelnau-de-Mandailles qui lui fournit le plus d'hommes (150 au total). Au contingent aveyronnais, fort de plusieurs centaines de royalistes, viendront s'ajouter plus de 2.000 hommes en provenance de la Lozère. La première action de Charrier consistera à surprendre et à mettre hors de combat les patriotes rassemblés à Rieutort-de-Randon (département de la Lozère) dans la nuit du 25 au 26 mai 1793. Averti que ces derniers avaient l'intention d'investir Nasbinals au lever du jour afin de s'emparer des rebelles royalistes, Marc-Antoine Charrier a préféré prendre les devants et il ne put que se féliciter de cette initiative, car son offensive fut une réussite complète. Après cette affaire, et au lever du jour, Charrier se dirigea vers Marvejols avec une troupe de 1.500 combattants. A la vue de cette petite armée, le bourg lozérien préféra se rendre sans opposer la moindre résistance. Fort de ce nouveau succès, Charrier entraîna ses hommes jusqu'à Mende où il arriva le 27 mai au soir. Là encore, la cité lui ouvrit ses portes, et on peut même dire avec un certain empressement, vu le nombre de sympathisants à la cause royaliste qui résidaient dans cette ville. Cependant, le régime républicain n'avait pas l'intention de laisser cette situation se détériorer, comptant bien, au contraire, réprimer la rébellion dans les plus brefs délais. Ayant appris que plusieurs troupes républicaines, venues de départements voisins, se dirigeaient vers le chef-lieu de la Lozère, Charrier évacua Mende pour aller livrer (le 1er juin 1793) un dernier combat à Chanac, point stratégique important défendu par la garde nationale de Rodez. La lutte fut âpre, faisant une centaine de morts dans les deux camps. Mais au bout de trois heures d'un affrontement féroce, les royalistes restèrent maîtres du terrain. Néanmoins, Charrier savait qu'il s'agissait là de sa dernière victoire. En effet, comment poursuivre la lutte sans renfort en hommes et en matériel ? Non seulement les princes émigrés ne lui avaient apporté aucun soutien, mais encore était-il inutile d'attendre le soulèvement des royalistes dans les régions limitrophes restées parfaitement immobiles. Aussi, bientôt encerclé par plus de 3.000 soldats républicains, il préféra renvoyer ses hommes, ces derniers devant rentrer chez eux tant qu'ils le pouvaient encore. Lui-même partit se cacher dans un souterrain qu'il avait fait aménager dans sa ferme de Pré-Grand. S'y dissimulant avec son épouse enceinte de leur deuxième enfant, il fut finalement débusqué par les gendarmes le 4 juin au matin, après que des paysans du coin eussent révélé sa cachette à la maréchaussée. Emmené jusqu'à Rodez où il subit d'abord un très long interrogatoire, Charrier comparut ensuite devant ses juges qui le condamnèrent à mort. Son exécution se déroula sur l'ancienne place de la Liberté le 17 juillet 1793. S'il n'avait pas été guillotiné, il aurait eu 38 ans le 25 juillet suivant. On aurait pu croire l'épisode de la révolte royaliste clos avec la mort de Charrier, mais, en fait, il n'en fut rien. La lutte se poursuivit mais prit une tournure peu avouable.

Les brigands de l’Armée

Plusieurs royalistes, ou prétendus tels, qui formèrent l'armée de Charrier, notamment tous ceux qui rejoignirent ses troupes sur la fin, s'avérèrent être de parfaits brigands qui se rassemblèrent en bandes pour écumer la région d'Espalion. Dès lors, c'est toute une contrée qui allait vivre dans la terreur pendant plusieurs années. Le premier forfait officiellement commis par ces hommes sans foi ni loi eut lieu le 19 août 1794. Ce jour-là, en début d'après-midi, un négociant en bestiaux espalionnais du nom de Blanchi se rendait à la foire de Lacalm lorsqu'il fut arrêté à l'orée des bois de Bonneval par quatre individus armés qui le descendirent de son cheval sans ménagement avant de le rouer de coups. Entraîné ensuite jusqu'au plus profond de la forêt, il subit encore nombre de mauvais traitements pendant plusieurs heures tout en croyant sa dernière heure arrivée (ses tortionnaires n'ayant cessé de le menacer de mort). Finalement, il fut laissé plus mort que vif après avoir été dépouillé de tout son argent. Ayant réussi à regagner Espalion tant bien que mal, il raconta son histoire qui fut dûment consignée dans un procès-verbal dressé par les autorités du lieu. Par la suite, d'autres marchands de bestiaux connurent un sort similaire à celui de Blanchi. Mais les bandits ne tardèrent pas à s'enhardir, s'attaquant désormais aux patriotes et aux gens aisés jusque dans leurs demeures. La violence alors employée par ces brigands n'avait pas de limite pour faire avouer à leurs proies le ou les emplacements où elles cachaient leurs richesses. Ainsi, ces ex-soldats de l'armée de Charrier se firent notamment "chauffeurs", c'est-à-dire qu'ils attachaient solidement les habitants des maisons prises d'assaut avant de leur brûler les pieds aux feux des cheminées. Avec un tel traitement, les langues se déliaient facilement pour révéler les cachettes où avaient été dissimulées les économies parfois de toute une vie. Après s'être emparé de l'argent, du moindre objet de valeur et des vivres, les brigands célébraient généralement leur coup de main en s'attablant au domicile même de leurs victimes, ces dernières, impuissantes car toujours entravées, regardaient alors avec horreur leurs bourreaux festoyer à leur table. Confrontée à ces exactions, la population réclama à l'administration de prendre les mesures nécessaires afin de mettre un terme à tous ces pillages et autres crimes. De manière à contrôler la région, 25 gendarmes furent installés dans les bâtiments de l'ancien hôpital d'Aubrac, tandis que des détachements de soldats furent placés à quelques endroits stratégiques. Malgré ce dispositif, les brigands sévissaient toujours, obligeant les habitants de plusieurs villages de l'Espalionnais à s'organiser en milices. Et de manière à débusquer les bandits royalistes que l'on savait avoir trouvé refuge dans les bois de Bonneval, d'Aunac, de Thubiès ou de Condom, les municipalités d'Espalion et de Saint-Côme-d'Olt recrutèrent, au mois de novembre 1794, plusieurs volontaires afin de fouiller les bois en question.

L’affaire de "Mandailles"

De grandes battues furent donc organisées, mais la belle solidarité des débuts laissa rapidement la place à la discorde, au désordre et, finalement, au découragement. De sorte que les brigands, loin d'être inquiétés, en profitèrent, au contraire, pour multiplier leurs actions toujours plus téméraires. C'est ainsi qu'eut lieu la fameuse affaire de "Mandailles", s'étant déroulée durant le terrible hiver 1794-1795. A cette époque, le froid fut si vif et si précoce que — dans la vallée du Lot — pratiquement tous les arbres fruitiers gelèrent. Ajouté aux réquisitions exigées par les autorités révolutionnaires, ce climat rigoureux amena la disette dans de nombreux foyers, grossissant, dès lors, les rangs des brigands. Par précaution, on enleva leurs armes à de nombreux citoyens (à Espalion, la collecte des armes fut effectuée le 10 décembre 1794). Ce qui n'empêcha pas les bandits de se montrer de plus en plus entreprenants, notamment dans la région de Saint-Geniez-d'Olt. Pour essayer d'endiguer cette flambée de vols et de violences, cent soldats du troisième bataillon du Tarn furent envoyés dans la zone la plus sujette aux troubles. Arrivés à Espalion dans la matinée du 8 février 1795, les hommes du lieutenant Müller furent ensuite répartis dans plusieurs villages, dont ceux de Castelnau et de Mandailles. Le lendemain, l'action de ces soldats avait déjà permis l'arrestation de deux suspects. Cependant, dans la nuit du 9 au 10 février, Joseph Valat, un tailleur de pierres originaire de Brousse, pénétra sans bruit dans le village de Mandailles à la tête d'une quinzaine de brigands. Profitant que les hommes de troupe étaient endormis, les bandits envahirent rapidement les maisons et capturèrent pas moins de cinquante soldats au nombre desquels figurait le lieutenant Müller. Ces prisonniers furent ensuite conduits jusqu'au hameau de Belmon situé au-dessus de Prades-d'Aubrac. Aussitôt prévenues, les autorités départementales, d'abord atterrées par cet audacieux coup de main, ordonnèrent l'envoi de 200 hommes qui reçurent pour consigne de marcher, dans un premier temps, vers Saint-Côme-d'Olt. Au même moment, 300 volontaires ou gardes nationaux étaient envoyés, depuis la ville de Saint-Geniez-d'Olt, dans la direction de Mandailles. De son côté, Valat, ne sachant quoi faire de sa prise encombrante, décida de relâcher tous ses prisonniers. Les soldats retrouvèrent donc leur liberté, à l'exception d'un seul, le sergent Gorse qui avait péri lors de l'attaque, percé de plusieurs coups de baïonnettes. S'étant également rendus, Valat et ses hommes furent incarcérés à la prison de Rodez en attendant leur jugement. Or, la justice se montra étonnamment clémente à leur égard. Seul Valat fut condamné à la peine de mort par le tribunal criminel, tandis que ses acolytes étaient purement et simplement acquittés. Et encore, Valat bénéficia d'un procès-verbal d'amnistie qui lui fut délivré le 10 octobre 1796.

À suivre : Épisode 2 et fin

À lire aussi : Le Saint-Cômois Ignace Bernard, de la contre-révolution à la Grande Armée

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