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Dans les archives. Les loups dans l’arrondissement d’Espalion

Histoire. Alors que le loup refait parler de lui sur le Nord Aveyron (lire notre édition du 5 juin dernier), notre archiviste, aujourd'hui sous le pseudonyme de “Jean Lupus”, fait l'inventaire des apparitions de canis lupus dans l'arrondissement.

Dans les archives. Les loups dans l’arrondissement d’Espalion
Loups pourchassés dans un village en 1860 - 
gravure ancienne - collection Pascal Cazottes.

Dans les archives

En septembre 1840, on estime que plus de 30 loups ont établi leur territoire dans les bois de Bonneval, d’Irissac, de Gouget et de la Bastide. Le 29 septembre, à Labro, un troupeau important de bêtes à cornes qui paissent le long de la route royale est surpris par des loups. Une génisse est dévorée sur place.

Le préfet Louis de Guizard accorde enfin l’autorisation de chasser les loups dans l’arrondissement d’Espalion, pendant tout le mois de décembre. Suite à cette autorisation, Jean-Louis Thédenat, maire d’Espalion, prend un arrêté en vue d’assurer la sécurité des nombreux chasseurs. Il est prévu qu’indépendamment des personnes chargées de la battue dans les bois, une liste d’une soixantaine de bons tireurs doit être constituée. Ces chasseurs seront répartis en 12 brigades dont le commandement sera confié pour chacune à la personne la plus compétente. Les armes seront chargées* en présence de cette personne, et elle indiquera à chacun le poste qu’il doit occuper. Toute personne participant avec une arme à cette chasse doit être inscrite sur la liste et posséder une carte indiquant le nom du chef et le numéro de la brigade à laquelle elle appartient.

Et c’est ainsi que le 23 décembre dans les bois d’Aubrefeuille et Roquelaure une battue s’organise. Ce jour-là, sur les trois loups chassés, un seul est assez grièvement blessé. Le 25 décembre, dans les bois d’Irissac, une louve et trois loups sont tirés et plusieurs autres sont blessés à mort. Dans cette forêt, on compte la présence de 15 à 20 individus.

Dans la nuit du 3 janvier 1850, au Foiral d’Espalion, deux loups affamés cherchent à s’introduire dans une écurie. Ils sont mis en fuite par l’intervention du propriétaire dont les brebis sont enfermées dans ce lieu. Le 3 mars, une battue aux loups est autorisée par le préfet Fluchaire sur le territoire des communes d’Espalion, Condom, Saint-Chély et Saint-Côme. Le lieutenant de louveterie de l’arrondissement d’Espalion commande cette battue qui s’effectue sous l’autorité des maires des communes sur le territoire desquelles elle a lieu et sous la surveillance d’un agent de l’administration des eaux et forêts. La gendarmerie y assiste. Il est prévu que 400 personnes participeront à cette battue dont 100 tireurs et 300 traqueurs. Le maire fixe le lieu de chasse, de concert avec le lieutenant de louveterie et du fonctionnaire des eaux et forêts. Avant cette journée, Benjamin Affre, maire d’Espalion, demande par un arrêté municipal, que les chasseurs de la commune qui désirent participer à cette battue se présentent au secrétariat de mairie, pour s’y inscrire avant le 28 février.

Par un arrêté du 30 janvier 1854, Mouzard-Sencier, préfet de l’Aveyron, autorise une battue aux loups pour les mercredi 18 et dimanche 19 février, sur le territoire des communes d’Espalion, Montpeyroux, Curières et Condom.

Le 12 février 1860, une battue aux loups est effectuée dans les bois environnant Espalion, mais un froid très vif et un vent glacial du nord empêchent tout résultat. Pourtant, les brigades de tireurs et de traqueurs d’Espalion s’étaient bien rendues à leurs postes ! Le 13 février, dans les bois de Montpeyroux, plusieurs loups sont aperçus prenant la fuite, deux de ces bêtes seront tuées. Le maire de la commune les présentera à l’hôtel de la sous-préfecture d’Espalion.

En juin 1863, le lieutenant de louveterie de l’arrondissement d’Espalion informe qu’une louve rôde dans la forêt de Pomiers, où elle est prête à mettre bas. Une surveillance est établie, et le 5 juin, 9 louveteaux (5 femelles et 4 mâles) sont découverts. Cette prise est présentée à la sous-préfecture d’Espalion et, une fois le constat établi… les louveteaux sont jetés à la rivière ! En moins d’une année, 16 animaux ont été tués dans ce même territoire : les 9 louveteaux noyés, 4 louves tuées lors d’une battue, et 3 mâles pris dans des pièges.

Le 10 avril 1870, en soirée, un loup est aperçu près de Gabriac. Le lendemain matin, des bergers qui gardaient leur troupeau donnent l’alarme. L’animal se trouve aux abords du bois des Bourrines. Quelques hommes le prennent en chasse, l’un d’eux possède un fusil et tire. L’animal est transporté à Gabriac où le maire dresse le procès-verbal de la capture. Ce loup au poil grisâtre était de forte taille, il mesurait 1,50 m du museau à l’extrémité de la queue.

Marcel Carnus et Émile Cabanettes dans l’histoire de Saint-Côme (1966) rappellent les rudes hivers de 1829 et 1879, où «les loups réfugiés en grand nombre dans les bois des environs pénétraient la nuit dans les villages. Plusieurs battues durent être organisées pour les déloger».

Durant trois jours, du 19 au 21 février 1880, dans les bois d’Aubrac, une chasse aux loups et aux sangliers est organisée par les soins du lieutenant de louveterie. Une autre chasse pour le même gibier a lieu les 24 et 25 mai 1882, dans les mêmes bois, conduite par le garde général des forêts.

En décembre 1895, un loup égorge plusieurs brebis dans les environs de Bonnefon. Le 14 décembre, un jeune de 15 ans, d’un hameau environnant, lui tire une balle en plein cœur. Mais ce loup, semble-t-il, n’était qu’un gros chien de berger !

Les primes au loup

En août 1882, le président de la République Jules Grévy approuve une troisième loi concernant les primes pour la destruction des loups. Cette nouvelle loi abroge la loi du 10 messidor an V (28 juin 1797). Maintenant, ces primes sont fixées à 100 francs** pour la destruction d’un loup ou d’une louve non pleine ; 150 francs pour une louve pleine ; 40 f pour un louveteau dont le poids est inférieur à 8 kg. S’il est prouvé qu’un loup s’est jeté sur des êtres humains, la personne qui le tue recevra une prime de 200 f. Les primes pour la destruction des loups sont à la charge de l’État, sur le budget du ministère de l’Agriculture, et payées au plus tard le 15e jour qui suit la constatation de l’abattage fait par les maires de la commune sur le territoire où le loup a été abattu.

Les fosses à loup

Elles sont nombreuses. Claude Petit donne une description des différentes fosses qui couvrent le territoire dans Patrimòni n°77 novembre-décembre 2018. Ces fosses profondes, plus larges dans le bas que le haut, empêchent l’animal de sortir, même d’un bond. Deux d’entre elles resteront dans les mémoires au-delà de 1913. Toutes deux situées sous Roquelaure portent le nom de hameaux : la fosse de Guzoutou et la fosse de Salou ou “la laussière de Guzoutou et la laussière de Salou”.

Le 29 novembre 1871 au matin, un loup de belle taille circule dans les bois entre Roquelaure et le hameau de Guzoutou. Depuis quelques temps des propriétaires se plaignent de la disparition de plusieurs bêtes. Une ancienne fosse à loup, à l’abandon, servant à l’occasion de piège pour les renards, est remise en service. Dans la nuit, les hurlements d’un loup se font entendre. Le 30 novembre, vers 6 h, deux hommes se rendent à la fosse, pour voir si le piège a fonctionné. Ils aperçoivent l’animal dans le trou et décident de s’en emparer vivant. À l’aide d’une corde, ils lui passent au cou un nœud coulant et le remontent. Mais le loup, par un mouvement brusque, va réussir à leur échapper, et devient menaçant. L’un des hommes armé d’un fusil tire dans la tête, l’animal est achevé à coup de fourche... Au soir, la dépouille du loup est amenée à Espalion. Une fois la prime empochée à la sous-préfecture, les deux hommes du hameau de Guzoutou promènent le corps dans les rues de la ville.

Selon les propos recueillis auprès d’un vieillard d’Albiac et rapportés par Maurice Affre dans l’Echo d’Espalion, le dernier loup était tombé dans cette fosse vers 1898… Ce vieil homme s’en souvient lorsqu’en décembre 1913, une mésaventure arrive à un gendarme en congé qui était étranger au département. Il chasse dans les bois de Roquelaure et ignore que la fosse de Guzoutou existe toujours. Le sol se dérobe soudain sous ses pieds et l’homme se retrouve au fond de la fosse. C’est après beaucoup d’efforts qu’il parvient à s’en sortir. Cette mésaventure ne fut pas pour déplaire à certains…

En 1913, la fosse de Salou existe depuis plus de 30 ans, toujours entretenue par son propriétaire, et souvent animaux et humains s’y font prendre.

Cette fosse à loups avait été établie pour la capture d’un énorme loup qui ravageait la contrée, il y fut pris puis promené dans tout le pays (la date n’est pas mentionnée). Et depuis, lit-on dans le Bulletin d’Espalion : «forces lièvres, quelques renards et quelques humains étaient les seules victimes de ce piège». Un ancien facteur mourut, lit-on encore dans le Bulletin d’Espalion des suites de sa chute dans cette fosse. Un chaudronnier y tomba à la fin du jour et passa toute la nuit à frapper sur son chaudron… Un chasseur espalionnais se retrouva au fond de cette fosse, et s’en sortit avec son fusil brisé. Et puis, le 26 novembre 1913, un sanglier pesant près de 100 kg se retrouva pris au piège….

Autre histoire de loup

Le 17 novembre 1895, dans les bois d’Aubrefeuille, un loup s’attaque à un grand troupeau de chèvres, dont il égorge une quinzaine, parait-il ! Ces chèvres avaient été confiées par de nombreux propriétaires au possesseur d’un bouc étalon. Mais déjà, le 16 novembre, des bruits circulent au sujet d’un loup. Il aurait attaqué un autre troupeau de chèvres, non loin de Mandailles. «Une quinzaine de ces animaux aurait été tués par ce terrible carnassier.» d’après le Journal de l’Aveyron. Mais la réalité est tout autre. Un loup est bien passé sur la commune de Castelnau-de-Mandailles, au hameau de La Forêt. Ce jour-là, un agriculteur qui possède un bouc étalon renferme plus de 100 chèvres dans son étable. Elles appartiennent à divers propriétaires des environs. La porte de l’étable est fermée seulement à claire-voie, les chèvres sentent le prédateur. Elles sont effrayées, se réfugient toutes vers le fond de l’étable à l’opposé de l’ouverture, et 15 d’entre elles sont étouffées, piétinées par la pression de leurs congénères. Le loup s’empresse de déguerpir à l’arrivée du berger.

Devant l’ampleur des dégâts, le propriétaire fait écorcher les chèvres mortes par son berger, et jette les cadavres dépouillés à la voirie. Il n’a pas enfoui les cadavres, ni informé aucun des propriétaires. De plus, il vend les peaux à un tanneur d’Espalion.

Le juge de paix d’Espalion convoque cette personne le 24 novembre 1895 pour des explications, mais l’homme ne répond pas à l’avis. L’affaire n’en reste pas là… L’homme a dû répondre de plusieurs actes répréhensifs : avoir laissé croire qu’un loup les avait égorgées, ne pas avoir enterré les cadavres et ne pas avoir averti les propriétaires qui doivent être remboursés.

Le vagabond et le loup

Depuis de nombreuses années, sur la commune d’Espalion, un vagabond encourt 15 jours de prison ; s’il est reconnu comme vagabond et mendiant, c’est un mois et parfois jusqu’à 2 ou 3 mois de prison.

Le 17 décembre 1895, à l’audience du tribunal correctionnel, après quelques jugements pour divers délits, plusieurs vagabonds sont condamnés de 15 jours à un mois de prison. Le 21 décembre, l’un d’eux se présente à la maison d’arrêt pour purger sa peine. L’homme est accompagné d’un jeune loup muselé. Le gardien de la prison veut bien recevoir ce vagabond, mais pas le loup. De son côté, l’homme refuse de se séparer, de «son gagne pain» [NDLR : il était peut-être montreur de loup]. Un arrangement est trouvé, le vagabond entre seul en prison, tandis que son compagnon est confié aux soins du sabotier Vassal, à Espalion. Le propriétaire de l’animal pourra le reprendre une fois sa peine accomplie…

Jean LUPUS

* NDLR : à cette époque, les fusils les plus répandus, que l'on charge par le canon (poudre, bourre et balle), n'ont qu'un seul coup,.
** En 1882, 100 francs permettaient d’acheter un cochon à une foire d’Espalion (les cours s’établissant alors entre 65 à 70 francs les 50 kg.)

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