Dans ce premier épisode, nous allons brièvement évoquer l’hommage qui lui fut rendu le 17 septembre dernier à l’occasion du 80e anniversaire de sa mort, sans omettre de mentionner l’acte inqualifiable qui précéda la cérémonie, et retracer la première partie de son parcours : de son entrée à Saint-Cyr à son emploi dans l’armée de Versailles, en passant par la guerre franco-allemande de 1870-1871.
La cérémonie du 17 septembre 2024
Le mardi 17 septembre 2024 était commémoré, à Saint-Affrique, le 80e anniversaire de la disparition du général Édouard de Curières de Castelnau. Pour rendre hommage à ce grand général, véritable héros de la Première Guerre mondiale, sa ville natale avait mis en place un programme particulièrement chargé avec, pour point d’orgue, une cérémonie devant avoir lieu dans le jardin public de Saint-Affrique, à partir de 11 heures du matin, devant la statue équestre du général et en présence des autorités civiles et militaires.
Cependant, cet hommage rendu à la mémoire du général de Curières de Castelnau faillit bien être annulé à cause d’un acte de vandalisme perpétré sur sa statue. En effet, dans la nuit qui précéda cette mémorable journée, de la peinture rouge fut jetée sur la statue en question tandis que la date de 1871 était peinte, également en rouge, sur le socle de la sculpture. Fort heureusement, on s’aperçut de cette dégradation à temps et les équipes municipales intervinrent très rapidement pour nettoyer ce monument.
Mais que dire de celui ou de ceux qui furent à l’origine de cet acte pour le moins répréhensible ? La peinture rouge et la date de 1871 nous indiquent qu’il s’agit de nostalgiques de la fameuse insurrection de la Commune de Paris. Mais pourquoi s’en sont-ils pris à la représentation de notre général ? L’accuseraient-ils d’avoir été sinon l’instigateur du moins le bras armé de la terrible répression des communards ? Oublient-ils qu’il n’était alors qu’un très jeune officier sans aucun pouvoir décisionnaire ? Lorsque la bêtise s’allie à l’ignorance crasse, on peut malheureusement observer ce genre de comportement...
L’immense dette de la France envers le général de Castelnau
Cette parenthèse refermée, rappelons ici que le général de Curières de Castelnau fut le principal artisan de la victoire des Alliés en 1918. De fait, son grand sens de l’organisation fut mis à contribution pour la préparation et la mobilisation des armées françaises. C’est également à ce général que nous devons les premiers succès français de la Grande Guerre, puisqu’il remporta, coup sur coup, la bataille de la Trouée de Charmes (24-26 août 1914) et celle du Grand Couronné (4-13 septembre 1914), sauvant ainsi toute la ligne de front française.
Enfin, c’est encore lui qui cloua sur place, à Verdun, la formidable offensive allemande. Par trois fois, donc, il sauva la France. Et que dire de son étonnante clairvoyance au moment même de la signature de l’armistice ? Il avait alors envisagé une nouvelle guerre à venir avec l’Allemagne et il ne s’était pas trompé. Du reste, bien avant que n’éclatât la Seconde Guerre mondiale, il n’avait cessé de mettre en garde contre la montée des fascismes en Allemagne et en Italie, mais, bien entendu, personne ne voulut l’écouter.
Lorsque le régime de Vichy — un régime collaborationniste avec l’occupant nazi — fut mis en place par le maréchal Pétain, le général de Curières de Castelnau, malgré son grand âge, devint un de ses plus farouches opposants, n’hésitant pas à soutenir la Résistance le mieux qu’il le put, notamment en cachant des armes dans sa propre demeure. Et pourtant, c’est à ce grand homme que fut refusé le bâton de maréchal.
Pire que tout, on s’efforça de le plonger dans l’oubli car il avait le grand tort d’être de noble naissance et de pratiquer, de surcroît, la religion catholique, autant de défauts insurmontables aux yeux des gouvernants de l’époque.
Des généraux de bien moindre valeur, tels que Joffre, Foch et Pétain, accédèrent non seulement à la dignité de maréchal mais eurent également les honneurs de la littérature.
Effectivement, on ne compte plus les ouvrages sur ces trois derniers officiers qui, en outre, avaient mainmise sur l’histoire de la Première Guerre mondiale, aucune parution sur ce sujet ne pouvant décemment paraître sans la préface (donc l’agrément) d’un de ces trois maréchaux. Comme le souligne si justement Benoît Chenu dans son très intéressant ouvrage sur “Castelnau, le quatrième maréchal, 1914-1918”, Édouard de Curières de Castelnau ne se préoccupa jamais d’écrire ou de faire écrire sur sa personne ou sur ses faits d’armes. À ceux qui s’en étonnaient, il répondait tout simplement : «Je n’en vois pas la raison, je n’ai rien à me reprocher».
Quant au maréchalat qui lui fut refusé, il n’en éprouva apparemment aucun regret ni aucun ressentiment comme en témoignent ces mots qui lui sont attribués : «Lorsque je paraîtrai devant Dieu, il ne me demandera pas combien j’ai d’étoiles sur les manches, il me demandera si j’ai bien élevé mes enfants».
Du Saint-Cyrien à l’adjudant-major
Après ces quelques remarques, venons-en à la première partie du parcours du général de Curières de Castelnau, lequel n’a pas encore 18 ans lorsqu’il entre, le 30 octobre 1869, à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. Mais à peine a-t-il commencé ses études que la guerre franco-allemande de 1870 vient y mettre un terme, tous les élèves de Saint-Cyr, même ceux de première année, étant envoyés sur le front avec le grade de sous-lieutenant.
Toutefois, les événements se précipitèrent, l’armée de Châlons que devait rejoindre le futur général ayant capitulé à Sedan le 2 septembre 1870. Néanmoins, la guerre se poursuivit sous le gouvernement de la Défense nationale et de Curières de Castelnau rejoignit l’armée de la Loire constituée à la va-vite, intégrant le 36e régiment d’infanterie de marche avec le grade de capitaine. Édouard de Curières de Castelnau va alors participer à une suite ininterrompue de combats et souvent dans des conditions très difficiles (pluies diluviennes suivies d’une neige abondante avec des températures inférieures à - 10°). Le capitaine de Curières de Castelnau se bat notamment à Torçay (18 novembre 1870), à Chambord (8 décembre 1870), à Montlivault (9 décembre 1870), à Vendôme (31 décembre 1870) et à Mazangé (5 janvier 1871).
Finalement, il participe à la fameuse bataille du Mans (11 et 12 janvier 1871) qui voit la défaite de la seconde armée de la Loire commandée par le général Chanzy. Les restes de cette armée vont battre en retraite, protégés par quelques régiments suffisamment solides, dont le 36e de marche. Édouard de Curières de Castelnau participera encore à un dernier combat, celui de Chassillé, le 14 janvier 1871, soit peu avant la signature de l’armistice (28 janvier 1871). Le 2 février 1871, de Castelnau est nommé adjudant-major au 36e de marche. Ce grade lui confère la possibilité de commander un bataillon alors qu’il n’a que 19 ans !
Puis, le 3 avril 1871, son régiment rejoint l’armée de Versailles, armée qui doit mater l’insurrection de la Commune de Paris. Cette dernière, renouant quelque peu avec le régime de la Terreur de 1793, a pris des otages, des religieux pour la plupart dont une cinquantaine d’entre eux seront sommairement exécutés. Entre-temps, l’armée versaillaise est parvenue à pénétrer dans Paris et, entre les 21 et 28 mai 1871, les Parisiens assisteront à la “Semaine sanglante” qui vit périr quelque 4.000 communards. De son côté, l’armée de Versailles déplorera 877 tués et 6.454 blessés.
Quel rôle joua de Curières de Castelnau pendant ces combats ? On ne lui connaît qu’une seule action : le sauvetage de l’otage Edmond de Martimprey, gouverneur des Invalides, que les fédérés s’apprêtaient à fusiller.
Pascal CAZOTTES
À suivre : Le général de Curières de Castelnau, une vie à l’honneur [2/5]
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