Découvrez Bulletin d’Espalion en illimité Découvrir les offres

Les grands hommes de l'Aveyron. Le général de Curières de Castelnau, une vie à l’honneur [2/5]

Histoire. Dans ce deuxième épisode, nous allons brosser le portrait du général Édouard de Curières de Castelnau, un portrait physique, tout d’abord, qui sera suivi de quelques évocations de son comportement (digne d’éloges) vis-à-vis des hommes placés sous son commandement. C’est ainsi que nous découvrirons un général particulièrement soucieux du bien-être de ses soldats.

Les grands hommes de l'Aveyron. Le général de Curières de Castelnau, une vie à l’honneur [2/5]
Portrait photographique du général de Curières de Castelnau - collection Pascal Cazottes.

Grâce à son livret matricule d’officier, nous savons que le général de Curières de Castelnau n’était pas très grand, mesurant très exactement 1,65 m. Les autres informations contenues dans son livret, additionnées aux témoignages de ceux qui l’ont rencontré et aux photographies de sa personne, nous permettent d’ajouter qu’il ressemblait à ces Rouergats (ou Aveyronnais) dont lui-même nous a laissé une description dans un numéro spécial de “L’Illustration économique et financière” paru en 1922 : «D’une taille au-dessus de la moyenne, aux larges épaules, à la poitrine développée, aux membres fortement musclés, à la jambe d’acier à l’allure pesante et balancée, au pas lent et long, tête forte et carrée, mâchoire puissante, teint très coloré, indice d’un tempérament particulièrement sanguin, regard calme et droit, tel apparaît dans sa structure massive et dans son aspect trapu, rustique et un peu frustre, le Rouergat pur sang».

Voilà une présentation de l’Aveyronnais qui, mise à part la taille, correspond plutôt bien à notre général qui, ne l’oublions pas, était lui aussi d’origine rouergate (natif de Saint-Affrique et issu d’une très vieille famille aveyronnaise).

Quelques précisions méritent toutefois d’être apportées quant au portrait du général de Curières de Castelnau : brun dans sa jeunesse, ses cheveux et sa moustache avaient blanchi avec le temps ; son front était large et découvert ; ses yeux, de couleur marron, avaient une grande vivacité ; son nez, aquilin, semblait descendre vers la bouche ; son menton, carré, présentait une fossette ; enfin, l’ensemble de son visage respirait le calme, la décision, l’audace et aussi infiniment de cœur et de bonté.

Un général soucieux du bien-être de ses soldats

Après avoir établi le portrait “physique” du général de Curières de Castelnau, nous allons maintenant évoquer ses grandes qualités d’officier supérieur. Et, pour commencer, nous rapportons, ci-après, un extrait des souvenirs du général Léon Zeller, souvenirs sur le général de Castelnau qui furent pour la première fois publiés en 1936 : «La sévérité bien raisonnée du général [de Curières de Castelnau – NdlA] s’alliait à une bienveillance foncière, également très réfléchie ; il portait sans cesse son attention, toujours en éveil, vers les besoins, les peines et les joies de ses subordonnés, officiers ou troupiers ; en revanche, ceux-ci discernaient bien vite la qualité de l’affection sincère et agissante que leur chef professait à leur égard. Les questions ou les menues observations qui sortaient de sa bouche à l’occasion des exercices ou des revues étaient toujours marquées au coin du bon sens et cordiales sans familiarité. Lorsqu’un hasard le plaçait en présence d’un gradé ou d’un soldat plus ou moins riverain de la Garonne, la joie qu’éprouvait le général à gazouiller son patois méridional était vraiment communicative. Il savait, par le simple rayonnement de sa personne, créer une atmosphère de clarté et de confiance réciproque».

Et on peut dire que le général de division Léon Zeller (1868-1945) savait de quoi il parlait, puisqu’il fut, entre 1906 et 1910, l’officier d’ordonnance du général de Curières de Castelnau lorsque celui-ci commandait la 7e brigade d’infanterie à Soissons.

Un peu plus haut, Léon Zeller nous faisait part de la joie du général de Castelnau de pouvoir s’exprimer dans son dialecte rouergat avec quelques-uns de ses soldats. Cela est tout à fait exact, comme nous le prouve cet épisode que nous allons maintenant rappeler.

Durant l’hiver 1914-1915, lequel fut particulièrement froid, les hommes de la 2e armée pouvaient se réjouir d’avoir pour chef le général de Castelnau qui prit toutes les mesures nécessaires afin d’apporter quelque réconfort à ses soldats : boissons chaudes distribuées dans les tranchées de première ligne, installation de braseros, etc. Et de manière à s’assurer que ses ordres étaient bien exécutés, que les chefs subordonnés apportaient au bien-être de leurs hommes tout le zèle et tout le dévouement désirables, le général de Curières de Castelnau venait régulièrement, et à l’improviste, visiter les tranchées situées en première ligne.

Or, c’est justement à l’occasion d’une de ses nombreuses visites impromptues, au cours desquelles il ne manquait jamais de dire quelques mots aux troupiers, s’informant notamment sur leur lieu de naissance, qu’il tomba sur un de ses compatriotes. L’homme en question (de taille modeste, trapu et velu, véritable type du montagnard), après avoir révélé son origine aveyronnaise, fut certainement très heureux d’entendre le général lui répondre : «Alors nous sommes païs ?».

Mais, brusquement, un avion allemand (un “Taube”) vint interrompre leur conversation en les survolant. Aussitôt, nos artilleurs firent feu sur l’avion ennemi qui sembla être touché et s’abattit près des lignes allemandes. Le soldat aveyronnais, s’adressant alors à un de ses camarades, également originaire de l’Aveyron, prononça quelques mots en rouergat : «Hé ! Camarado, l’a vist, es tounbat» («Hé ! Camarade, tu l’as vu, il est tombé.»). Le général de Castelnau qui, quant à lui, avait suivi l’épisode de l’avion aux jumelles, apporta une précision à ses compatriotes dans le même dialecte : «Nou, s’es paouzat» («Non, il s’est posé.»).

Toujours préoccupé par le sort de ses soldats

Comme nous venons de le voir, le général de Castelnau, contrairement à la plupart des autres généraux, n’hésitait pas à prendre des risques pour rester en contact avec le troupier. Du reste, il aimait à dire : «Je vais jusqu’aux obus».

Hormis les tranchées, il avait aussi pris l’habitude de visiter les postes de secours et les hôpitaux, toujours dans le même souci de s’enquérir du sort de ses soldats. C’est ainsi qu’un jour, il découvrit une pièce sombre dans laquelle on avait entassé les mourants (des soldats dont la gravité des blessures ne leur laissait aucun espoir de survie). À la vue de ce terrible spectacle, notre général s’emporta, donnant immédiatement ses directives au personnel soignant : «Je n’admets pas que mes soldats meurent comme des chiens ; donnez-leur donc la douceur de mourir dans des lits et de se sentir soignés et entourés dans leurs derniers moments».

En retour de cette tendre sollicitude, les hommes du général de Curières de Castelnau avaient un immense respect pour leur chef, comme en atteste ce témoignage du capitaine Jean Tocaben paru, en 1931, dans l’ouvrage “Virilité (au front de la Grande Guerre)” : «… nous pataugions dans les flaques de la route en une marche lente d’éclopés… Une auto corna derrière nous, auto d’état-major évidemment…, quelque officier des bureaux voué à des besognes de rond de cuir…, dédaigneux de la piétaille que nous sommes, n’attendait que d’avoir la voie libre pour s’y ruer et nous jeter à la face, selon l’usage, l’insulte impunie des paquets d’eau cinglants comme des gifles. Je marchais en tête, las, perclus… Or il advenait une chose insolite : la voiture, qui aurait dû rouler en trombe…, tardait à nous dépasser et, derrière moi, au lieu du piétinement mou de la horde, des talons frappaient le sol et je croyais percevoir l’ébauche d’une cadence. Qu’y avait-il donc ? Comme je tournais la tête, la voiture arrivait près de moi roulant avec douceur, une lenteur inattendue, et, dans cette voiture, il y avait, debout, penché vers la portière ouverte, un général. Je compris pourquoi mes hommes, d’eux-mêmes, rectifiaient l’allure et marquaient le pas… quand je vis tout à coup, si près, le képi à la haute bordure de feuilles d’or, la main ouverte au droit de ce képi, et, surtout, la figure apitoyée, les yeux qui portaient sur nous un regard d’une tristesse infinie. C’était le chef suprême après Joffre, le major-général de Castelnau, le général aux trois fils morts, combattants comme nous, qui, de toute son âme, nous saluait».

Pascal CAZOTTES

À suivre : Le général de Curières de Castelnau, une vie à l’honneur [3/5]

Galerie photos

Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

Abonnez vous au Bulletin Espalion
Inscrivez vous à la newsletter
La météo locale
Les grands hommes de l'Aveyron. Le général de Curières de Castelnau, une vie à l’honneur [2/5]