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Histoire & patrimoine. Entraygues-sur-Truyère [2/3] : le château et la charte de 1292

Aveyron. Dans l’épisode précédent, nous avons vu que le comte de Rodez Henri II s’était révélé être un bâtisseur, ayant doté la cité d’Entraygues d’un magnifique pont gothique qui permet encore aujourd’hui de passer au-dessus de la Truyère. Mais Henri II fut également à l’origine du château d’Entraygues dont les deux tours principales ont traversé les siècles pour parvenir jusqu’à nous. Ne se contentant pas de faire édifier des constructions, Henri II se montra aussi soucieux des intérêts des habitants d’Entraygues-sur-Truyère, leur ayant accordé une charte en 1292.

Histoire & patrimoine. Entraygues-sur-Truyère [2/3] : le château et la charte de 1292
Le château à Entraygues-sur-Truyère.

LE CHÂTEAU D’ENTRAYGUES, UNE DEMEURE VOULUE PAR HENRI II

Comme dit précédemment, la famille d’Entraygues avait fait d’Entraygues-sur-Truyère un castrum au sein duquel s’élevait sa demeure se résumant à un simple donjon. Mais si cette tour d’habitation et de défense suffisait apparemment aux d’Entraygues, ce ne fut pas le cas du comte de Rodez Henri II, lequel désirait faire édifier un véritable château bien plus en rapport avec son rang féodal. A cet effet, il acheta, de Bernard d’Adhémar, l’emplacement connu sous le nom «du Pla» et y fit démarrer les travaux presque aussitôt après son acquisition. Le château voulu par Henri II sortit ensuite de terre en un temps record, seulement douze années (de 1278 à 1290) ayant été nécessaires pour son édification. Grâce à un dessin à la plume daté de 1555, nous savons à quoi ce château ressemblait, bien que, près de trois siècles plus tard, il avait déjà dû être l’objet d’inévitables modifications. C’est l’abbé Albert Ginisty qui, dans son ouvrage intitulé «Histoire d’Entraygues-sur-Truyère» (ouvrage publié en 1933 sous les auspices du Conseil général de l’Aveyron), nous livre un descriptif du château tel qu’il était au XVIe siècle, d’après, justement, le dessin ci-dessus évoqué : «Le château comprend un grand corps de bâtiment rectangulaire à deux étages dominant l’enceinte crénelée et le confluent. Au milieu, un balcon l’entoure et forme une fine ceinture autour du premier étage. La façade est ornée de trois pilastres et de fenêtres aux meneaux entrecroisés. La toiture revêt une forme convexe. Une tour ronde percée de deux meurtrières, couronnée d’une galerie de mâchicoulis sur contreforts, sépare, à l’ouest, l’ensemble d’un long bâtiment lequel se termine au nord, à une porte fortifiée encadrée par une tour carrée, où, sur la plateforme se dresse une tour et la courtine. Le pont-levis est commandé par deux autres tours carrées, qui gardent l’entrée du château. Entre l’une d’elles et une tour ronde de l’enceinte se détache l’abside d’une chapelle». De sa période médiévale, le château d’Entraygues a conservé la cage d’escalier, une salle voûtée se trouvant au rez-de-chaussée et les deux donjons carrés (la tour Farnal et la tour Padanèse) où se voient encore les corbeaux des mâchicoulis. Par contre, les étroites baies ont disparu pour laisser la place à des ouvertures datant peut-être du XVIIIe siècle.

LE CHÂTEAU : SON HISTOIRE ET SES PROPRIÉTAIRES SUCCESSIFS

Au tout début du XIVe siècle, la maison d’Armagnac devint propriétaire du château d’Entraygues, puissante forteresse militaire, suite au mariage de Cécile de Rodez (la fille d’Henri II) avec Bernard VI d’Armagnac. Et le château restera d’ailleurs en la possession des comtes d’Armagnac durant toute la guerre de Cent Ans. C’est, du reste, Jean III, comte d’Armagnac et de Rodez, qui fit couper le pont d’Entraygues, en 1388, afin de protéger la cité de l’invasion des routiers. Mais, au XVe siècle, la famille d’Armagnac eut un mortel ennemi en la personne du roi de France Louis XI. Alors que ce dernier n’avait pas encore été couronné, n’étant alors que le dauphin, il s’empara du château d’Entraygues en 1443 et le conserva pendant plusieurs années. Après avoir récupéré leurs biens, les Armagnac vendirent, vers 1466, la seigneurie d’Entraygues à Pierre Prunhaut, conseiller au Parlement de Paris. Un de ses successeurs, François Deymier, vendit à son tour, au cours de la deuxième moitié du XVIe siècle, les 5/12es d’Entraygues à Brenguier de Vialar, de Laguiole, pour la somme de 15.000 livres. Plus tard, le château se retrouva mêlé à un nouveau conflit, celui des guerres de Religion. Au mois d’août 1588, le capitaine huguenot Gentil vint assiéger le château d’Entraygues. Toutefois, devant cette forteresse apparemment inexpugnable et n’ayant, de surcroît, que peu de ressources en hommes et en matériel, l’entreprise lui parut fort difficile. Aussi eut-il recours à la ruse. Il commença par faire creuser des sapes et fit placer sous les remparts des tonneaux qui, faute de poudre, étaient remplis de sable. Il invita ensuite les assiégés à laisser sortir les femmes et les enfants qui s’étaient réfugiés au château. Puis, il offrit aux parlementaires du camp adverse de venir examiner les sapes. Ces mêmes parlementaires purent ainsi constater qu’un grand nombre de barils avait été mis en place, ce qui les terrifia véritablement, car ils n’avaient pas pensé à vérifier le contenu des tonneaux. Aussi, quand ils revinrent au château, ils communiquèrent leurs peurs aux assiégés qui ne virent pas d’autre solution que celle de capituler. S’étant emparé du château sans avoir eu à tirer un seul coup de mousquet, le capitaine Gentil fit incendier cette forteresse, ce qui eut pour effet de détruire entièrement une tour. En 1601, le château changea une nouvelle fois de propriétaire suite au mariage de Paule de Vialar avec Henri de Montvallat. Mais suite à un arrêt du Parlement en date du 9 novembre 1604, ordonnant la destruction du château d’Entraygues, celui-ci fut rasé en grande partie. Et il fallut attendre l’année 1654, et la volonté du comte Henri de Montvallat, pour le voir renaître de ses cendres (la reconstruction du château fut achevée en 1656). Le château se composa désormais d’un corps de logis reliant les deux anciennes tours carrées. Une grange fut également accolée au château (côté ouest). Jusqu’en 1789, le château resta la propriété de la famille de Montvallat. Puis, il fut vendu, en 1796, comme bien d’émigré. Adjugé à un certain Jean-Joseph Saury pour la somme de 12.000 livres, il sera transformé, un peu plus tard, en école privée par des religieuses. En 2022, le restaurateur et homme d’affaires Jean-Louis Costes en fit l’acquisition afin de le transformer en hôtel de luxe.

À lire aussi : Entraygues-sur-Truyère [1/3], son histoire jusqu’à la deuxième partie du XIIIe siècle

LA CHARTE DE 1292

Nous en venons maintenant à la charte accordée par Henri II aux Entrayols. À l’époque où Henri II fit bâtir son château, les habitants de la châtellenie d’Entraygues devaient supporter de très lourds impôts. La seule taille perçue à Entraygues rapportait, chaque année, au comte de Rodez, la somme de 3.500 sols rodanois. En outre, le baïle du comte (ou ses officiers) usait bien souvent de brutalité pour faire rentrer l’argent dans les caisses comtales. De sorte que la population, lasse d’être ainsi maltraitée, finit par se rebeller en constituant un syndicat de défense. Paysans et autres vassaux de la châtellenie nommèrent huit procureurs-syndics chargés de porter les doléances de la communauté au comte de Rodez. Loin d’en prendre ombrage, Henri II reçut favorablement ces huit représentants. Après les avoir patiemment écoutés et jugé leurs revendications tout à fait légitimes, le comte de Rodez prit une décision qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait seulement envisagée avant lui : accorder une charte aux Entrayols. Et Henri II tint parole, puisque les franchises municipales furent effectivement rédigées (en langue romane par le notaire C. Laparra), le mercredi qui suivit la Toussaint de 1292, à l’intérieur même du château d’Entraygues qui venait d’être achevé depuis peu. Cette charte, écrite sur un parchemin, comprenait deux parties. Dans la première section de ce document étaient rappelées les doléances des habitants de la châtellenie. Quant à la deuxième section, celle-ci contenait les franchises et privilèges octroyés par le comte de Rodez Henri II. Parmi ces derniers, nous trouvons notamment une clause relative à l’administration de la cité d’Entraygues, laquelle sera désormais régie par quatre consuls assistés de quatre «coconsuls». Mais ces libertés accordées eurent bien évidemment un prix, les hommes de la châtellenie devant verser à Henri II la très importante somme de 32.000 sols rodanois, somme dont les habitants s’acquittèrent comme en atteste la quittance délivrée par le comte de Rodez. A noter qu’au cours du XVIIe siècle, Henri d’Albusquier, avocat au Parlement, retranscrit l’original de cette charte pour en adresser la copie, le 2 juin 1693, au sieur Pradel, alors notaire à Entraygues.

Enfin, nous remarquerons qu’une dizaine d’années après la signature de ladite charte, le comte Henri II détacha la châtellenie d’Entraygues de la vicomté de Carlat afin de l’annexer au comté de Rodez, ainsi que cette résolution figure dans son testament en date du 15 août 1301.

Pascal Cazottes

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