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La vie des rivières. Les chaussées de moulins, patrimoine hydraulique en danger (7/21)

Les chroniques. Une chronique inédite de Jean-Pierre Henri Azéma, docteur en Géographie et consultant spécialiste du patrimoine industriel et des moulins, de l’histoire des rivières et de l’énergie. 

La vie des rivières. Les chaussées de moulins, patrimoine hydraulique en danger (7/21)
Espalion. Chaussée du Moulin d’Olt. Ce modeste ouvrage, qui n’a pas été restauré depuis 1992, a permis l’électrification de la ville en 1888. Il mérite d’être respecté et préservé, de redonner de l’énergie renouvelable, à la capitale du Nord-Aveyron.

Chaussée du Moulin d’Olt : des menaces de démolition ? (1/2)


Dans le rapport produit par le bureau d’études Artelia, (2018, 93), la construction d’une échelle à poisson, de 1,60 m de hauteur et de plus de 16 mètres de long est évoquée, pour assurer la «continuité piscicole» et réduire un risque d’inondation pourtant connu depuis toujours. Ces deux affirmations sont scientifiquement infondées et donc problématiques.
2021. Une échelle à poisson, inutile et ruineuse, pour la Chaussée du Moulin d’Olt ?
Etablir une échelle à poisson, sur un ouvrage pluri-centenaire, c’est placer un emplâtre sur une jambe de bois, payé à prix d’or. Quelques questions se posent. Sur quel rapport d’expertise, établi sur la longue durée, se base cette analyse ? Comment les poissons ont-ils fait pendant tout le Moyen Âge, et l’époque moderne, et l’époque contemporaine proche, pour vivre avec les moulins ? Cet ouvrage disgracieux coûte 200.000 à 300.000 €. Le prix d’une maison et de son terrain, avec aucune garantie de résultat. Rien ne dit que les poissons vont suivre l’itinéraire-bis décidé par les pêcheurs ! Cela enlaidit aussi un site paysager historique et oblige le propritaire à l’entretenir ! La chaussée s’entrouve profondément modifiée. Le problème est ailleurs. Peut-être du côté de la pollution non traitée de la rivière ?
Pour mémoire, les échelles à poissons sont uniquement destinées aux ouvrages hydrauliques infranchissables, de forte hauteur, et pour de vrais poissons migrateurs. Il est d’ailleurs étrange que ce genre de demande ne soit jamais exigée pour le franchissement de tous les grands barrages (24 en Aveyron) comme celui de Golinhac, haut de 32,50 m, situé en aval de la ville. De toute façon, les truites ne sont pas des poissons migrateurs, mais des poissons casaniers — cf. la démonstration brillante exposée dans le livre de J-.P. Bravard et C. Lévêque « La gestion écologique des rivières française» (Ed. L’Harmattan, 2020). Ensuite, on sait très bien que ces ouvrages de franchissement sont surtout utiles pour la propagation des poissons blancs. L’incertitude sur l’avenir de cette chaussée ne peut être levée que par une prise de position claire de la municipalité, tenant compte de l’histoire hydraulique et économique de l’ouvrage.
Espalion, vie d’une ville avec le Lot et ses crues mémorables.
Bien que focalisés par le risque d’inondation, les documents produits par le Syndicat Mixte Lot-Dourdou publiés en 2018 et 2020 ne renseignent absolument pas les citoyens sur la «personnalité», le régime du Lot ; son module (débit moyen interannuel), la courbe de tarage. Rien non plus sur les hauteurs d’eau atteintes par les épisodes de crues de références précédentes. Ces rapports occultent aussi l’histoire du Lot et du Moulin d’Olt ; débits et hauteurs d’eau enregistrés par le passé, au niveau de la traversée de la ville par la rivière.
La carte des «Hauteurs d’eau attendues pour la crue centenale - Etat actuel» (Artelia, 2018, 145) permet toutefois de décrypter la logique de l’établissement de la ville dans la vallée du Lot.
Depuis sa création, dans un site de vallée retréci en forme d’entonnoir, le pouvoir politique, religieux, ainsi que les bourgeois et commerçants, se sont établis, au sud, rive gauche, sur des terrains en hauteur, très marginalement inondables. De son côté, le monde des artisans s’est implanté au nord, rive droite, autour du moulin à grain et des tanneries. Les terrains occupés sont bas, et correspondent à la zone du lit majeur du Lot, et probablement dans le site d’un ancien méandre abandonné de la rivière. Ces acteurs économiques savaient à quoi ils s’exposaient. Vivre avec le risque d’inondations, même importantes, fut socialement et économiquement accepté dès le Moyen Age. Autrement, la ville n’aurait pas existé sous la forme qu’on lui connaît. La nature impose son rythme et sa loi. Et les humains s’en accommodent… ou déménagent (à suivre).
Photo : Espalion. Chaussée du Moulin d’Olt. Ce modeste ouvrage, qui n’a pas été restauré depuis 1992, a permis l’électrification de la ville en 1888. Il mérite d’être respecté et préservé, de redonner de l’énergie renouvelable, à la capitale du Nord-Aveyron. (Photo JPH Azéma octobre 2019)

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