C’est en 1795 que fut créée la 142e demi-brigade de bataille qui deviendra, en 1813, le 142e régiment d’infanterie de ligne. Les hommes de cette unité de combat s’illustreront notamment aux batailles de Lützen (2 mai 1813), Bautzen (20 et 21 mai 1813), Dresde (26 et 27 août 1813), Champaubert (10 février 1814) et Montmirail (11 février 1814). Devenu régiment d’infanterie en 1882, le 142e se couvrira une nouvelle fois de gloire durant la Première Guerre mondiale, ainsi que nous allons le voir.
À la veille de la Grande Guerre, le 142e était composé de trois bataillons comprenant, chacun, quatre compagnies de 240 hommes, ce qui représente un nombre de 960 soldats par bataillon et un effectif total (pour le régiment) de 2.880 militaires. Si le 142e était généralement associé à la Lozère, comme le montrera d’ailleurs, plus tard, son insigne (avec les armes du Gévaudan), un seul bataillon était caserné à Mende, les deux autres bataillons étant cantonnés à Lodève (département de l’Hérault). Quant à la composition du régiment, celui-ci était constitué d’hommes originaires pour la plupart du Sud de la France. Ainsi y trouvions-nous des troupiers venus des causses de l’Aveyron, des monts de Lozère, ou encore des plaines du Roussillon et du Languedoc.
Le départ pour la guerre
Dès le 2 août 1914, date de la mobilisation générale, les deux casernes — celles de Mende et de Lodève — connurent une grande effervescence avec l’afflux des réservistes. Une fois la troupe réunie, il n’y avait plus qu’à la faire monter dans les trains en partance pour le Nord-Est de la France. Le 3e bataillon, celui caserné à Mende et placé sous les ordres du commandant Desrousseaux, fut le premier à partir (le 5 août 1914) aux cris mille fois répétés de “À Berlin !”. Même enthousiasme, le lendemain, à Lodève où les 1er et 2e bataillons, conduits par le colonel du régiment Pierre Lamole, marchaient avec entrain vers la gare sous les acclamations de la foule venue les encourager.
À noter que le 142e R.I. sera amené à agir bien souvent de concert avec le 122e R.I., étant donné que les deux régiments constitueront la 62e brigade d’infanterie (sous les ordres du général Xardel), elle-même dépendant de la 31e division (commandée par le général Vidal) faisant partie du 16e corps d’armée dirigé par le général Taverna. Bien entendu, ce dernier corps était l’une des composantes de la 2e armée (dite de Lorraine) placée sous le commandement du général Édouard de Curières de Castelnau.
L’arrivée sur le front et les premiers combats
Cette parenthèse refermée, suivons maintenant le parcours du 142e R.I. qui, parvenu à Mirecourt (département des Vosges), dut gagner à pied la région de Lunéville où il cantonna les 12 et 13 août 1914. Le lendemain, 14 août, le régiment marcha vers la frontière franco-allemande et échangea ses premiers coups de feu avec l’ennemi du côté de Xousse (Meurthe-et-Moselle). Deux jours plus tard, les hommes du 142e franchirent la frontière avec une émotion qu’ils eurent du mal à dissimuler. Parmi les démonstrations de joie, il y eut celle du capitaine Douzans, de la 10e compagnie, lequel tomba à genoux pour embrasser la terre lorraine.
Précisons ici que, suite à la guerre franco-allemande de 1870-1871, les Allemands s’étaient emparé de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, d'où la notion de frontière évoquée plus haut, et de son franchissement avec émotion.
Mais c’est le 18 août qu’eurent lieu les premiers véritables combats, et ceux-ci s’avérèrent particulièrement meurtriers pour nos troupes qui ne bénéficiaient, alors, d’aucun soutien de l’artillerie. Ayant reçu l’ordre de conquérir les villages de Loudrefing et de Mittersheim, et aussi d’avoir sous son contrôle le débouché du canal de Salines, le 142e se mit en marche dans des conditions très difficiles, devant se frayer un passage dans une zone marécageuse et boisée.
Au sortir de la forêt de Mühlwald, les 1er et 3e bataillons, partis de Bisping et en marche sur Angviller (village situé à seulement 8 km de Loudrefing), devinrent la cible des mitrailleuses et des canons ennemis. Le colonel Lamole, qui avançait à la tête de ses hommes, fut l’un des premiers à tomber, mortellement atteint d’une balle en pleine tête.
Malgré l’hécatombe que ne manquèrent pas de produire les tirs de barrage allemands, quelques éléments du 3e bataillon parvinrent à atteindre Loudrefing et à en chasser l’ennemi. La 10e compagnie se montra particulièrement courageuse, galvanisée, il est vrai, par l’exemple du capitaine Douzans qui, bien que blessé, continuait à avancer à la tête de ses hommes tout en criant “En avant !”. Mais plusieurs autres balles ennemies finirent par avoir raison de la ténacité du brave capitaine, lequel s’effondra sur le sol en prononçant ces derniers mots : “Vive la France !”.
L’artillerie lourde allemande clairsemant de plus en plus les rangs des quelques unités du 3e bataillon parvenues jusqu’à Loudrefing, ces dernières durent aller trouver refuge sur des hauteurs avoisinantes. C’est lors de ce repli que le lieutenant Viala, porte-drapeau de son bataillon, trouva la mort, son drapeau ayant été, en outre, mis en lambeaux par la mitraille.
Pendant ce temps, le 2e bataillon, placé sous le commandement du lieutenant-colonel Rouhan, tenta d’enlever Mittersheim. Toutefois, les forts retranchements ennemis empêchèrent la réussite de l’opération et le lieutenant-colonel Rouhan reçut une balle dans le ventre qui l’entraîna jusqu’au trépas. À la nuit tombée, ordre fut donné à tous les régiments de battre en retraite. Le bilan de cette terrible journée fut catastrophique. En effet, le seul 142e R.I. perdit, ce jour-là, 27 officiers et 1.150 hommes.
Le 142 R.I. se couvre de gloire tout au long de la guerre
Alors que le régiment essayait de regrouper ses unités tout en se dirigeant vers Lunéville, il dut repartir au combat pour participer à la tristement célèbre bataille de Morhange, les 19 et 20 août 1914.
Engagé du côté de Jolivet, Sionviller ou encore Bayon, le régiment réalisa quelques belles actions jusqu’au 22 août. En témoignent la prise de Sionviller et d’autres positions enlevées à la baïonnette. Le soir du 22, le 142e R.I., encore une fois durement éprouvé, se reforma à Bayon, où le général de Castelnau vint le féliciter pour “sa belle conduite au feu” et le qualifier de “régiment de braves”. Mais à peine le régiment eut-il le temps de se reposer, à peine 2 ou 3 jours, qu’il dut, de nouveau, prendre part à une grande bataille, celle de la Trouée de Charmes, qui verra, cette fois, la victoire des armes françaises.
Le 142e sera également amené à libérer, aux côtés du 122e R.I., la petite ville martyre de Gerbéviller le 28 août 1914 (à noter que ce bourg, pris et repris quatre fois, ne sera définitivement débarrassé des Bavarois que le 12 septembre).
Après avoir eu droit à quelques jours de repos, le régiment gagna la ville de Nancy où il fut accueilli en libérateur. Toutefois, les hostilités ne tardèrent pas à reprendre et, dès le mois de septembre, le 142e R.I. tenait la dragée haute au 142e régiment allemand de la brigade Steinger dans la région de Noviant-aux-Prés, mais au prix, il est vrai, de son nouveau chef, le colonel Fouque, qui décéda peu de temps après avoir reçu une balle dans la poitrine.
N’ayant guère la possibilité de rappeler ici tous les combats dans lesquels le 142e fut engagé, nous nous contenterons de préciser que ce régiment s’illustra notamment lors de la première bataille d’Ypres (19 octobre-24 novembre 1914) ou dans la défense du fort de Vaux (en 1916).
À la fin du conflit, le 142e R.I. fut décoré de la croix de guerre 1914-1918 et obtint deux citations à l’ordre de l’armée. Il lui fut également octroyé le droit de porter la fourragère aux couleurs du ruban de la croix de guerre.
Pascal Cazottes
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