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Musée du Scaphandre d'Espalion. Designers de l’espace : 2 scaphandres espalionnais à la Cité du Design de Saint-Etienne

Espalion. La Cité du Design a sollicité le Musée du Scaphandre d’Espalion pour une exposition consacrée à l’exploration spatiale, vue à travers le prisme du design. Préparée en étroite collaboration avec le Centre National d’Études Spatiales (CNES), et intitulée “Homo Spatius, designers de l’espace”, elle aborde sous un nouvel éclairage deux pièces majeures du Musée, et leur donne une place de choix. Accompagnée depuis le 1er décembre par une exposition interactive de photos personnelles de l’astronaute Thomas Pesquet prises depuis l’ISS, elle est ouverte jusqu’au 30 janvier.

Musée du Scaphandre d'Espalion. Designers de l’espace : 2 scaphandres espalionnais à la Cité du Design de Saint-Etienne
Le scaphandre de Claudie Haigneré présente ses ancêtres (photo Muriel Peissik).

À la Cité du Design, l’exposition “Homo Spatius, designers de l’espace” déploie, sur quelque 800 m2, une scénographie très “galactique”. De longs rideaux scintillants, déclinés en teintes or, argent, bleutée, cuivrée ou orangée selon l’évocation de l’univers spatial, lunaire, des profondeurs marines ou de planètes fantasmées, forment des parois souples qui délimitent cinq séquences thématiques : De l’Homo-Sapiens à l’Homo-Spatius, De l’inventeur au designer, Utopies et imaginaires, Habiter l’espace, et Retombées pour les terriens.

Homo-Sapiens et Homo-Spatius

Le visiteur, immergé à son entrée dans une installation sonore contemporaine inspirée du voyage spatial1, y découvre comment Homo-Sapiens n’a eu de cesse de conquérir de nouveaux territoires et d’y laisser sa trace, de la préhistoire à l’aventure spatiale, des empreintes de pieds humains de la grotte de Pech Merle (département du Lot), 15.000 ans avant J.-C., à celle de la botte de Neil Armstrong sur la lune le 21 juillet 1969, ou du pneu de Spirit, premier Rover ayant roulé sur Mars en 2003.

L’adaptabilité de la forme à la fonction, c’est-à-dire le design, est en jeu dès les temps les plus reculés où Homo-Sapiens parfait des outils pour en optimiser l’usage. Cette exposition montre comment les moyens pour Homo-Spatius de s’extraire de l’atmosphère terrestre, de sortir dans le vide stellaire, d’arpenter des sols extraterrestres mais aussi projeter d’y habiter, résultent d’un jeu de rebonds entre capitalisation des expériences antérieures, innovation, recherche d’ergonomie et mythes et imaginaires collectifs issus de l’appropriation des événements et objets par la société. C’est de cette intrication que relèverait le design.

Le scaphandre sert de base à la conception d’une combinaison spatiale

Nous nous focaliserons ici sur la problématique de l’astronaute et de son scaphandre. La section “De l’inventeur au designer” montre comment le voyage maritime, puis au XIXe siècle la pénétration dans les profondeurs océaniques, inventent des stratégies et des instruments et qui serviront le voyage spatial. À cet égard, le principe du scaphandre permettant de se déplacer et de travailler sous l’eau sert de base à la conception d’une combinaison spatiale. Si cette dernière requiert une technologie particulièrement complexe, elle partage avec le premier de nombreuses problématiques : appareil respiratoire pour son occupant, étanchéité et protection du corps contre le milieu ambiant, régulation thermique, mobilité des joints permettant le déplacement et la réalisation de gestes techniques, visibilité offerte par le casque, moyens de communication...

Scaphandre à groin et scaphandre Galeazzi

C’est à proximité de la combinaison spatiale de Claudie Haigneré que sont présentés deux scaphandres phares du Musée du Scaphandre, choisis par le commissaire de l’exposition Michel Faup2 pour évoquer quelques-unes des problématiques mentionnées. Ils représentent deux types scaphandres, l’un souple et soumis à la pression du milieu ambiant, l’autre rigide — deux concepts entre lesquels oscillera la longue généalogie des prototypes de scaphandres spatiaux conduisant au scaphandre d’Apollo 11, le A7L, qui relève du premier genre.

La première pièce espalionnaise exposée est le scaphandre à groin Rouquayrol-Denayrouze de 1865, symbole de l’autonomie respiratoire. Son “masque groin” a connu un design évolutif pour améliorer la vision du scaphandrier et aboutir en 1867 à un casque, plus ergonomique et innovant, à 3 boulons.

La seconde pièce est le scaphandre rigide Galeazzi, du milieu du XXe siècle, une enveloppe métallique dont le design de “bibendum” tient au brevet Galeazzi de “structure sphérique” de la tôle d’acier, permettant une plus grande résistance à la pression des profondeurs. Ce type de scaphandre, qui formellement porte dans le dos un back-pack3, préfigure l’idée “vaisseau spatial individuel” tel que se définit le scaphandre de l’espace, équipé d’un système de survie appelé “Portable Life Support System”. C’est à ce scaphandre Galeazzi que semble faire écho le visuel de l’affiche d’Homo Spatius, designers de l’espace représentant un prototype de scaphandre spatial rigide designé en 1962...

Science-fiction, art, design et architecture spatiale

L’exposition nourrit aussi le thème de l’astronaute dans la section Utopies et imaginaires, avec des journaux pour la jeunesse et comic strip des années 1930 à 1960, mettant en scène des astronautes imaginés bien avant que l’homme n’ait posé le pied sur la lune. On y retrouve les aventures de science-fiction d’Amazing Stories, de Flash Gordon d’Alex Raymond, ou la référence à On a marché sur la lune (1954) d’Hergé.

L’art est aussi convoqué pour la représentation qu’il donne à lire de la conquête spatiale. Une œuvre spectaculaire de l’artiste français Xavier Veilhan, en résine de polyuréthane, longue de plus de 4 mètres, représente le cosmonaute russe Youri Gagarine, premier homme dans l’espace, en monumental “gisant”, à la manière des tombeaux des rois et reines de l’abbaye royale de Saint-Denis. Ce pionnier de l’histoire des vols habités est présenté sur le sol à l’horizontale, à visage découvert, le casque posé à ses côtés, le cœur énucléé formant plus loin une météorite. Il évoque à la fois l’époque révolue des pionniers et le “gigantisme” de la légende du héros créée par l’Union soviétique à la gloire du régime communiste. Une autre œuvre concernant cette personnalité, de l’artiste espagnol Joan Fontcuberta, présente une photographie d’Ivan Istochnikov4, un jumeau fictif de Gagarine qui aurait été perdu dans le vide spatial et par suite supprimé des archives par les autorités soviétiques, une manière d’évoquer les secrets et enjeux géopolitiques des vols spatiaux.

Enfin, pour rester dans le thème du scaphandre qui nous occupe ici, le casque rond percé d’un ou plusieurs hublots est un motif formel récurrent en filigrane de l’exposition. Il se retrouve dans du mobilier comme sans doute le Ball Chair (ou Globe Chair, “Chaise Globe”), en 1963, du designer finlandais Eero Aarino, et d'autres objets inspirés par le “Space Age”. Ainsi le téléviseur couleur en forme de casque d’astronaute créé par Honson Lee pour Philips Discoverer TV en 1983, pour célébrer le lancement de la navette spatiale de la Nasa en 1981. Le motif, qui représente une forme de réponse à la contrainte du milieu, est présent dans les habitats envisagés pour le village lunaire, en regolithe, le matériau du sol lunaire, imprimé en 3D. Ce projet a été développé par l’Agence spatiale internationale avec notamment la participation de Comex Espace.

Parmi les habitats de milieux hostiles qui se sont inspirés de modèles spatiaux, citons par exemple Proteus, le projet de station spatiale internationale sous-marine de Fabien Cousteau, fils de Jean-Michel Cousteau et petit-fils du commandant Jacques-Yves Cousteau.

Retour aux sources pour Benoît Rouquayrol

Au vernissage de cette exposition, qui comptait parmi les personnalités l’ancien président du CNES Jean-Yves Le Gall, le directeur général de la Cité du Design, Thierry Mandon, a rendu hommage à l’importante participation du Musée du Scaphandre, que je représentais.

Le prêt des deux pièces espalionnaises a été possible grâce à la synergie de deux des partenaires gérant le musée. La Direction des musées départementaux, conduite par Claude Roumagnac, a pris en charge l’aspect administratif et technique du prêt. Le Galeazzi, un cuirassé de près de 400 kg, n’avait jamais été déplacé depuis son entrée au musée en 1993 et représentait un vrai challenge technique. Aline Pelletier, adjointe au directeur des musées, et son service ont émis les conditions techniques requises pour ce prêt et demandé à l’organisateur le recours à un transporteur agréé pour les œuvres d’art afin d’en garantir la préservation des pièces. Chargée des relations extérieures pour le scaphandre par l’Association Joseph-Vaylet Musée du Scaphandre, j’ai coopéré avec le commissariat de l’exposition, notamment pour le choix des pièces empruntées et la documentation scientifique des œuvres.

Cette exposition, organisée dans une institution renommée dans son domaine de spécialité, la Cité du Design, dans la ville de Saint-Etienne où Benoît Rouquayrol s’est formé comme ingénieur des mines, a mis pour la première fois hors les murs les scaphandres du Musée en relation avec le domaine spatial.

Rappelons que l’église Saint-Jean abrite depuis 2017 une pièce concernant l’aventure spatiale avec la combinaison de survie étanche de Jean-Loup Chrétien, un don de la société russe Zvesda, qui fournit les combinaisons spatiales soviétiques puis russes depuis le premier cosmonaute sorti dans l’espace.

Cette exposition, qui rencontre un grand succès auprès des visiteurs, manifeste l’intérêt que suscitent les collections du Musée sur le territoire national. Elle est pour le Musée du Scaphandre une occasion de renforcer sa notoriété au-delà des frontières de l’Aveyron et d’élargir son approche scientifique des collections.


1 Une création du compositeur Daniele Ghisi et de l’Ircam (Institut de recherche et de coordination acoustique/ musique, Paris).
2 Michel Faup, commissaire de l’exposition, sous-directeur Anticipation et Emergence au CNES.
3 Une “caisse d’allègement” pour équilibrer son poids dans l’eau. Le scaphandre possède un système de survie. Dans la lignée des scaphandres rigides, le Newsuit de l’ingénieur canadien Phil Nuytten, venu visiter le Musée du Scaphandre en 1999, doté de propulseurs et d’appareillages très performants (caméras, moyens de communication, capacité d’autonomie…) en est un réel alter ego pour le domaine sous-marin.
4 Ce nom est la traduction en russe du nom de l’artiste.

Galerie photos

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