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Saint-Antonin-Noble-Val un musée à ciel ouvert épisode I

Histoire.

Saint-Antonin-Noble-Val un musée à ciel ouvert épisode I
La rivière Aveyron à Saint-Antonin-Noble-Val.

Si la cité de Saint-Antonin-Noble-Val (située dans le département du Tarn-et-Garonne mais ayant fait autrefois partie de la province du Rouergue) est devenue une des destinations préférées des touristes, elle le doit, naturellement, à son patrimoine architectural de premier plan remontant au Moyen Age. Plusieurs maisons de Saint-Antonin-Noble-Val ne manquent d’ailleurs pas d’attirer notre attention, exposant au regard du passant des modillons, des chapiteaux et autres pierres sculptées dignes d’intérêt. Mais avant de nous lancer dans la description de quelques-uns de ces trésors qui font la fierté des Saint-Antoninois, rappelons l’histoire de ce bourg médiéval.
La légende de saint Antonin
Dans un premier temps, précisons que les lieux, situés au confluent de deux cours d’eau (l’Aveyron et la Bonnette), furent propices à l’occupation humaine dès le Paléolithique. Plus tard, les Celtes s’établirent au pied de la falaise d’Anglars et baptisèrent l’endroit du nom de “Condate” (vieux mot celtique servant à désigner le "confluent"). Vinrent ensuite les Gallo-Romains qui, émerveillés par cette vallée si accueillante, lui donnèrent l’appellation de “Nobilis Vallis”.
Cependant, “Noble-Val” changea une nouvelle fois de nom, en adoptant celui d’un saint dont la légende reste indissociable de l’histoire de la ville. Le saint en question s’appelait Antonin et était censé vivre au Ve siècle de notre ère (nous disons "censé" car l’existence même de Saint Antonin est quelque peu controversée). Né dans ce qui sera la future ville de Pamiers, on lui attribue une parenté avec Théodoric 1er, le roi des Wisigoths qui fit de Toulouse sa capitale. Après s’être engagé dans la voie sacerdotale, Antonin se rendit à Rome, puis revint en Gaule afin d’évangéliser notamment ce bourg qui portera ultérieurement son nom. Sa route le conduisit ensuite à Toulouse et Pamiers où il subit le martyre. En effet, ce sont ses propres concitoyens qui auraient mis fin à ses jours en le décapitant d’un coup de hache. Le coup porté fut si terrible qu’il détacha également un bras. Les restes du saint furent alors jetés dans la rivière Ariège ; et c’est à ce moment précis que se produisit un miracle : une barque, conduite par deux aigles, vint recueillir la tête et le bras du martyr pour les transporter, on ne sait comment, jusqu’à Noble-Val. En ce dernier lieu, le comte Festus — qui fut l’ami d’Antonin — fit ensevelir les saintes reliques dans un riche tombeau au-dessus duquel s’éleva bientôt une église en souvenir de l’évangélisateur.
Cette parenthèse refermée, reprenons le cours de l’histoire de Saint-Antonin-Noble-Val pour aborder ce Moyen Age — période particulièrement riche — qui laissa à tout jamais son empreinte dans la vieille cité.
C’est d’abord Pépin, roi d’Aquitaine, qui vint en personne jusqu’à Saint-Antonin (sa présence est signalée à la date du 30 octobre 825) pour combler de ses largesses l’abbaye du lieu, un monastère bénédictin fondé, dès le VIIIe siècle, par l’arrière-grand-père du seigneur d’Aquitaine : Pépin le bref.
Des périodes troublées, de prospérité…
La prospérité de l’Abbaye alla de pair avec celle de la petite ville qui ne tarda pas à se développer sous la direction de vicomtes à la sagesse reconnue. Ce sont, d’ailleurs, ces mêmes vicomtes qui, en 1140, libérèrent les Saint-Antoninois du servage et leur accordèrent une coutume (l’une des plus anciennes de France) afin de garantir leurs droits. Nous livrons, ci-après, un extrait de cette coutume extrêmement favorable aux habitants de Saint-Antonin : "Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, nous Ysarn, vicomte, G. Jourdain et Pierre, conseillés par Azemar, évêque de Rodez, R., évêque de Toulouse, et P. Gros, nous renonçons à la mauvaise coutume qu’on appelle quête en faveur de Dieu, de Saint Antonin et de tous les habitants de la ville de Saint-Antonin, et nous n’exigerons de ceux-ci aucune contribution sans leur consentement, réserve faite des dons qu’ils voudront bien nous faire de leur plein gré ; et nous prenons sous notre sauvegarde tous les habitants de Saint-Antonin, leurs biens et leurs fiefs, ainsi que tous les gens, hommes et femmes, qui traverseront la ville…".
Cet esprit de liberté et de tolérance qui régnait alors dans la ville, favorisa la pénétration de ce mouvement religieux appelé “Catharisme”. Les Saint-Antoninois, à l’image de leurs vicomtes, ne tardèrent pas, en effet, à adopter la foi des "Bons Chrétiens", ce qui, bien évidemment, leur attira les foudres de la croisade engagée contre les "Albigeois". En 1212, l’évêque d’Albi, aux commandes de l’avant-garde de l’armée des croisés, se présenta aux portes de la cité et exigea la reddition sans condition des Saint-Antoninois. Réponse lui fut faite par Adhémar Jourdain, un chevalier envoyé par le comte de Toulouse afin de gouverner la place : "Que le comte de Montfort (Simon de Montfort était le véritable chef militaire de la croisade — NdlA) sache que jamais les bourdonniers (nom donné aux croisés qui étaient généralement équipés de bourdons — NdlA) ne viendront à bout de prendre mon château".
… aux exactions les plus terribles…
Ces fières paroles ayant été rapportées à Simon de Montfort, ce dernier jura de laver cet affront dans le sang. Arrivé à son tour devant les fortifications de Saint-Antonin, il installa son campement dans la plaine pour la nuit. Mais à peine le soleil s’était-il couché que les Saint-Antoninois firent une sortie pour en découdre avec les croisés. La riposte fut terrible et les habitants forcés de battre en retraite. Au bout d’une heure d’âpres combats, l’armée de Simon avait réussi à s’emparer de trois barbacanes, et seule la nuit parvint à mettre fin momentanément aux hostilités. Quelques Saint-Antoninois, effrayés par ce qu’ils avaient vu, tentèrent de fuir par une porte située à l’opposé du champ de bataille. Mal leur en prit, car les croisés, avertis de cette évasion, coururent sus à l’ennemi. A minuit, le vicomte Pons, conscient que la partie était perdue d’avance, envoya un émissaire à Montfort afin de lui proposer de lui remettre la ville (pour la sauver de la destruction totale). Au petit matin du 6 mai 1212, les hommes de Simon pénétrèrent dans la place sans y trouver la moindre résistance, ce qui ne les empêcha pas de se livrer à de nombreuses exactions (pillage, saccage, exécution d’une trentaine de bourgeois de Saint-Antonin, etc.). Plusieurs chevaliers occitans, au nombre desquels se trouvait le gouverneur Adhémar Jourdain, furent capturés et emmenés jusqu’à Carcassonne afin d’y être enfermés dans une étroite prison. Le vicomte Pons, malgré sa médiation, connut le même triste sort. Dès ce moment, cela en était fini des vicomtes dont le dernier d’entre eux, Izarn, dut céder (suivant acte en date du 23 mai 1238) ses maigres biens à son neveu, Ratier de Caussade, qui, en échange, lui assura le manger et le boire et lui alloua cinquante sous par an pour l’achat de chemises et de chausses.
… et enfin la sérénité avec la couronne de France, avant la guerre de Cent ans !
Après avoir été aux mains de Simon de Montfort, la petite ville de Saint-Antonin échut finalement, et pour son plus grand bien, à la couronne de France. Désormais placée sous la protection de Saint Louis, la cité vit ses coutumes confirmées dans un acte solennel en date du 1er  janvier 1227, ce qui lui permit de connaître une nouvelle période de prospérité d’un point de vue économique (les produits de Saint-Antonin — notamment le safran — s’exportèrent jusqu’en Allemagne ou en Bulgarie). 
Avec la guerre de Cent Ans, débutée au XIVe siècle, la vie des Saint-Antoninois se dégrada de nouveau (la ville fut, tour à tour, occupée par les Anglais et les Français. Elle changea de maître pas moins de six fois !). Mais c’est la guerre de religion, survenue au XVIe siècle, qui eut les effets les plus désastreux sur Saint-Antonin (les réformés brûlèrent les ossements du saint martyr Antonin en 1568, incendièrent la collégiale en 1570 et finirent par expulser les catholiques de la cité).
Cette petite chronique de Saint-Antonin étant achevée, faisons un retour en arrière pour découvrir, entre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle, un personnage dont l’Histoire nous a conservé le nom et, surtout, son œuvre. Vicomte de son état, et par conséquent représentant du comte de Toulouse dans la ville de Saint-Antonin, Raimon Jordan (ou Jourdan) était connu pour manier la plume aussi bien que l’épée. L’éloignement de son existence passée n’a malheureusement pas permis la conservation de nombreuses informations à son sujet. Toutefois, un poète du XIIIe siècle, d’origine quercynoise, Uc de Saint-Circ, a rédigé une notice biographique sur notre vicomte troubadour que nous reproduisons ci-après :
"Raimon Jordan fut vicomte de Saint-Antonin…, il était avenant, généreux, bon chevalier ; il était aussi bon troubadour et galant. Et il aima la femme de R. Ameilz, seigneur de Penne d’Albigeois, lequel était baron puissant, et la dame était belle et jeune et instruite, et elle voulait au vicomte plus de bien qu’à quoi que ce fût au monde, et le vicomte avait pour elle les mêmes sentiments. Mais un jour vint où le vicomte partit en guerre contre ses ennemis, fut blessé dans une bataille et ramené à Saint-Antonin où il passa pour mort. La nouvelle de sa mort vint aux oreilles de la dame, et elle en ressentit une telle douleur qu’elle passa à la religion des patarins (autre terme servant à désigner les Cathares — NdlA). Le vicomte guérit de sa blessure ; mais quand il connut la conversion de la dame, il en eut une si grande douleur que plus jamais il ne fit vers ni chanson".
Ce court exposé nous permet déjà d’entrevoir un fait indiscutable : l’attirance de la noblesse occitane pour le Catharisme. Raimon Jordan n’échappa pas à la règle, ainsi que cela transparaît dans un de ses poèmes intitulé “quan la neus chai e gibron li verjan”, poème que nous étudierons dans le prochain épisode.
À suivre...

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