«Le mal ne l’emportera pas»
Le Washington Post du 9 mai s’est gravement interrogé sur «les vues qu’a le nouveau pontife, notamment sur les droits des LGBTQ+, le climat et la place des femmes dans l’Église». Cette approche apparaît typique de ceux qui oublient que, comme tous ses prédécesseurs, Léon XIV a été élu pour s’occuper de toute l’Église, pour raffermir la foi des fidèles et pour proposer au monde le salut par le Christ. Celui-ci ne disait-il, dans l’Évangile du Bon Pasteur lu précisément le dimanche 11 mai, qu’il était venu pour «donner la vie éternelle» ?
Le nouveau pape, qui s’est présenté au balcon de Saint-Pierre revêtu de la mozette rouge et de l’étole brodée d’or aux armes pontificales, que François avait refusé d’arborer, a son propre style.
Celui-ci s’inscrit d’ailleurs dans la sacralité très visible qui s’est exprimée dans les nombreux offices célébrés depuis la mort de son prédécesseur et qui ont en quelque sorte inondé le monde avec des images de belles liturgies, notamment lors des processions des cardinaux.
Léon XIV s’inscrit dans une triple filiation. Sur le plan de la société, il peut se référer à Léon XIII, qui a défini une doctrine sociale rejetant toutes les formes de matérialisme, tout comme à saint Léon Ier le Grand, qui a su préserver l’Occident en traitant avec les Barbares.
Sur le plan pastoral, il se trouve dans la continuité avec François, qui l’a placé à la tête du dicastère des évêques et nommé cardinal il y a deux ans, car il est incontestablement préoccupé des plus pauvres, qu’il a notamment connus au Pérou.
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Enfin, il faut insister sur son ancrage augustinien. D’abord parce qu’il appartient à la principale branche de la grande famille héritière de l’auteur des “Confessions et de La Cité de Dieu”, autrement dit la tradition de saint Augustin centrée sur la grâce, la conversion et la recherche de Dieu, ce qui devrait le rapprocher des protestants. Parmi ceux qui s’en réclament se trouvent aussi bien les chanoines réguliers de la Mère de Dieu, fréquentés par le colonel Beltrame égorgé en 2018 à Carcassonne, que, comme beaucoup de ses compatriotes catholiques, le vice-président américain J.D. Vance, lequel s’appuie sur l’ordo caritatis, l’ordre de la charité, pour établir des cercles successifs auxquels le chrétien doit s’adresser, dans une optique qui n’est vraisemblablement pas tout à fait celle de Léon XIV.
Le successeur de saint Pierre apparaît comme un homme capable d’unir les contraires et d’incarner un pontificat de réconciliation après les soubresauts et les tensions de l’ère précédente. Son profil de pasteur de terrain, canoniste rigoureux tout autant que missionnaire, lui confère une capacité rare à rapprocher des courants opposés au sein de l’Église, facilitée par un caractère assez souple tout autant que par sa double appartenance à l’Église d’Amérique du Nord, très institutionnelle et en bonne santé financière, et à celle du Sud, plus fragile et pauvre. Ses multiples ascendances, européennes comme antillaises, complètent le tableau.
«Le mal ne l’emportera pas», son injonction se situe dans la lignée du «N’ayez pas peur» de Jean-Paul II. Prononcée à la date anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et alors que les conflits armés touchent tous les continents, la phrase a rappelé que la paix n’est jamais donnée, car toujours à défendre.
Et Léon XIV ne se laissera pas instrumentaliser.
Jean-Joseph de Fassion
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