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Pêche & environnement. Le silure 2/2 : son impact dans nos eaux

Pêche.

Pêche & environnement. Le silure 2/2 : son impact dans nos eaux
À Albi, les Silures s'attaquent aux pigeons.
Dans la rubrique du mois de novembre, nous avons fait connaissance avec le silure, le plus grand poisson carnassier de nos eaux douces. Voyons ce qu’il en est de son impact écologique sur les plans d’eau où il a été introduit.
Plusieurs lacs aveyronnais sont actuellement en voie de colonisation où, sans même le rechercher avec les techniques spécifiques, des pêcheurs réalisent régulièrement des captures de silure au détriment d’autres espèces comme la perche ou le sandre. Cette situation n’est pas sans déclencher une certaine polémique entre les pros et les anti-silures. Qu’en est-il réellement de la présence de ce poisson et de son impact sur le milieu ?
Certes, si comme nous l’avons mentionné dans la rubrique de novembre, le silure (Siluris Glanis) 1 est un prédateur opportuniste, il n’est pas l’ogre insatiable qui alimente tous les fantasmes. Il est néanmoins le plus gros prédateur de nos eaux et sa présence en nombre peut ponctuellement poser des problèmes d’équilibre écologique, surtout dans des petits milieux relativement clos tels que les lacs de barrage comme le lac de Golinhac sur le Lot ou les lacs situés sur le cours Tarn en aval de Millau.
En effet, depuis que le développement de cette espèce y a pris une certaine ampleur, on constate sur ces lacs une modification du comportement des autres carnassiers comme la perche et le sandre qui se font plus rares et n’occupent plus tout à fait les mêmes postes qu’auparavant. En période d’hiver notamment, où les fosses les plus profondes, où séjournaient habituellement les sandres et les perches, semblent désormais majoritairement occupées par des silures.

Le silure en Aveyron


Il semble que ce soit sur le lac de Castelnau-Lassouts (à Saint-Geniez-d’Olt) que le silure ait été introduit en premier lieu dans les eaux aveyronnaises, il y a environ une vingtaine d’années.
Suite à une vidange partielle de ce lac en 2001, en descendant le cours du Lot, le silure a colonisé à son tour le lac de Golinhac.
La vidange totale du lac de Sarrans en 2014 a révélé une forte présence de l’espèce. Au cours de cette vidange, nombre d’individus via le barrage de la Barthe et le cours de la Truyère ont alors naturellement migré dans le lac de barrage de Couesques.
Les quatre lacs successifs sur le Tarn en aval de Millau, Pinet, Le Truel, la Jourdanie et Lincou sont également colonisés.
Les lacs de Pinet (premier lac de barrage en aval de Millau) et du Salagou (dans l’Hérault, fréquenté par de nombreux pêcheurs Aveyronnais) connaissent actuellement une explosion démographique de ce poisson. Au regard de la taille des plus gros sujets qui y sont observés actuellement, atteignant plus d’1,20 m, il apparaît que la primo-introduction date probablement d’une dizaine, voire d’une douzaine d’années.
Les mâles étant matures vers l’âge de 3 à 4 ans tandis que les femelles atteignant leur maturité sexuelle vers 5 ans, les générations suivantes constituées de poissons mesurant de 0,40 m à 1 m sont issues de la reproduction naturelle des premiers sujets introduits. Ces poissons constituent actuellement la majorité des captures sur ces deux lacs. 
Les données ci-dessous sont une indication de la courbe de croissance moyenne de l’espèce qu’il faut bien sûr relativiser, car les différents milieux ne présentent pas tous les mêmes caractéristiques. 
1 an, 30 cm, 250 g ; 2 ans, 45 cm, 1,5 kg ; 3 ans, 60 cm, 3 kg ; 4 ans, 80 cm, 6 kg ; 5 ans, 1,05 m, 10 kg ; 6 ans, 1,30 m, 14 kg ; 7 ans, 1,40 m, 20 kg ; 8 ans, 1,50 m, 25 kg ; 9 ans, 1,60 m, 30 kg ; 10 ans, 1,80 m, 40 kg ; 11 ans, 190 cm, 45 kg ; 13 ans, 200 cm, 55 kg ; 14 ans, 210 cm, 60 kg ; 16 ans, 220 cm, 70 kg ; 18 ans, 230 cm, 80 kg ; 20 ans, 240 cm, 90 kg ; 22 ans, 250 cm, 100 kg.
Notons au passage que la durée de vie d’un silure est estimée à 30 ou 40 ans.

Une espèce prolifique


Une femelle silure pond de 20.000 à 30.000 œufs par kg de poids vif. La ponte a lieu lorsque la température de l’eau parvient à 20°c, soit entre la fin du printemps et le début de l’été. L’incubation dure environ 7 jours. Toutefois, pour diverses raisons, une partie des embryons ne parvient pas jusqu’au stade de l’éclosion. Les alevins éclos commencent à s’alimenter au bout d’une semaine, ils mesurent alors un peu moins de 10 mm, ressemblant à des têtards, ils évoluent en “grappes”.

La régulation de l’espèce


La régulation de l’espèce commence à ce stade car leur taille minuscule les rend très vulnérables. Ils sont victimes des prédateurs que sont les autres poissons carnassiers (perches, sandres, brochets, chevesnes et même des carpes, suppose-t-on).
Des observateurs attentifs ont remarqué sur certains plans d’eau une prédation importante due aux brochetons juvéniles (appelés fingerlings). En effet, là où le cycle de reproduction naturelle du brochet se déroule normalement (c’est généralement le cas, entre autres, sur les lacs de Pareloup et du Salagou), les brochetons qui naissent entre mars et avril et qui deviennent rapidement ichtyophages 2 sont présents en nombre lorsque naissent à leur tour les petits silures dans les rangs desquels ils opèrent un fort prélèvement.
Malheureusement, sur certains lacs, la reproduction du brochet est très compromise à cause des marnages quotidiens dus aux manœuvres des barrages. Dans ce cas, il ne faut pas compter sur les fingerlings pour prendre part à la régulation du silure dans ses premiers âges. Toutes les formes de mortalités juvéniles font que les chercheurs estiment à 95 % les pertes de jeunes silures lors de leur première année d’existence.

Trois phases d’implantation


On peut distinguer trois phases durant l’implantation du silure dans un plan d’eau :
— La phase d’introduction concerne les premiers silures introduits, lesquels peu nombreux ont alors un impact quasi insignifiant sur les autres espèces. Au bout de 5 ans (âge de la maturité des femelles), débutent les premières reproductions qui ensuite se perpétuent chaque année ;
— Débute alors la seconde phase, celle de la colonisation par les sujets issus des pontes successives amenant à chaque fois une nouvelle génération. Le cycle de reproduction du silure étant annuel on retrouve de fait 5 à 6 tailles. Cela se confirme par la majorité des captures de silures qui oscillent alors entre 40 cm et 1 m. Cette phase de colonisation continue et se prolonge jusqu’à ce que de nombreux individus soient devenus suffisamment gros (autour de 1,80 m) pour commencer à se réguler eux-mêmes par le cannibalisme, les gros mangeant les petits ;
— La troisième phase est la phase de stabilisation, mais tout n’est pas si simple car la prédation occasionnée par le silure s’exerce également sur les autres espèces présentes. Au fur et à mesure de leur croissance, les silures vont être capables de manger des proies de plus en plus grosses comme des jeunes carpes, des carassins, des tanches, des brèmes, des gros gardons, des rotengles et autres chevesnes, qui ne sont pas prélevés par les pêcheurs de loisirs car généralement relâchés. Ces gros poissons blancs occupent l’espace et constituent une grosse part de la biomasse, laquelle n’est pas extensible, un plan d’eau ne pouvant accueillir qu’une certaine quantité de poissons. La prédation de ces cyprins vieillissants devrait théoriquement libérer de la place et favoriser le renouvellement des espèces par des sujets plus petits. Ceux-ci étant plus nombreux, ils constitueront autant de proies potentielles pour les carnassiers de tailles inférieures comme le brochet, le sandre et la perche. L’impact du silure devrait alors être pondéré, car à ce stade, il tendrait à dynamiser le peuplement du lac.
Mais après l’introduction d’une nouvelle espèce carnassière, trouver ce nouvel équilibre écologique au sein d’un milieu demande beaucoup de temps. Ainsi, à Castelnau-Lassouts il aura fallu approximativement 20 ans après l’introduction des premiers silures pour qu’un équilibre s’instaure et que chaque espèce (proies et carnassiers) retrouve une «niche» écologique et puisse à nouveau se développer de façon optimale, au grand bénéfice des pêcheurs . Il aura fallu attendre que la population de silures s’auto-régule pour que l’on arrive à cette phase de stabilisation.
Ce sera, espérons-le, le cas pour les lacs aux caractéristiques similaires comme celui de Pinet, du Truel, de la Jourdanie, de Lincou sur le Tarn et autres lacs à la situation similaire où sa présence fait actuellement débat, car le silure y est en pleine expansion. Même si le silure n’est peut-être pas le seul responsable, sur certains de ces lacs perches et sandres sont actuellement en nette régression par rapport à la décennie précédente.
A voir donc, car si compte tenu des forts débits et de l’espace le silure trouve plus facilement sa place dans les grands fleuves (comme le Rhône, la Loire, la Garonne, la Seine et leurs principaux gros affluents), sa présence, du moins durant la phase de colonisation, semble problématique dans des milieux plus restreints et relativement clos. En attendant, le silure est là et bien là et il faudra être patient, car il est illusoire de penser s’en débarrasser. Il faut donc l’accepter et pourquoi pas le pêcher quelquefois pour s’offrir de temps en temps un combat avec un gros poisson.
Le record de France a été homologué en septembre 2017 sur le Tarn près d’Albi avec un silure de 2,74 m pris en float-tube.
1- Siluris Glanis : Le nom complet du silure est silure glane.
2 - Qui se nourrit de poissons. Proverbe du pays de Bohème, berceau de l’espèce : «Un poisson est toujours la proie d’un autre, mais le silure glane les mange tous.»

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